Actes antimusulmans : une plateforme de signalement bientôt en ligne !
Face à la montée des actes antimusulmans, une plateforme nationale de signalement bientôt en ligne.
Publié : 6 mai 2025 à 16h59 par La rédaction
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Une nouvelle plateforme de signalement en ligne, dédiée aux actes antimusulmans, devrait voir le jour d’ici la fin mai. Portée par l’Association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans (Addam) en partenariat avec les autorités, cette initiative à pour objectif de combler un déficit criant de données et de reconnaissance, alors que les chiffres officiels restent très en deçà de la réalité vécue par les musulmans de France.
Des chiffres officiels jugés dérisoires
En 2024, le ministère de l’Intérieur a recensé 173 actes antimusulmans : un peu plus de la moitié visent des biens, l’autre des personnes. Mais ces chiffres peinent à convaincre les associations. « Qui peut croire à ces chiffres ? C’est complètement dénué de sens », dénonce Bassirou Camara, président de l’Addam, fondée récemment dans le cadre du Forum de l’islam de France. Même Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a admis en février que ces statistiques ne reflètent probablement pas l’ampleur réelle du phénomène.
Le sentiment d’un « climat islamophobe ambiant » est partagé par de nombreuses figures représentatives de la communauté musulmane. Parmi elles, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chelms-eddine Hafiz, et la présidente de la Coordination des associations musulmanes de Paris, Najat Benali. Lors d’une rencontre avec Emmanuel Macron, ils ont tous deux alerté sur "la peur et la colère" qui gagnent les fidèles, parfois jusque dans leurs lieux de culte.
Une plateforme pour mieux recenser et agir
La future plateforme, que l’Addam doit piloter, a pour ambition de rendre visible l’invisible. L’outil permettra de centraliser les signalements, les analyser et transmettre des données plus représentatives aux pouvoirs publics. « Elle doit permettre d’apporter des données tangibles aux législateurs », explique Bassirou Camara. L’enjeu est de taille : sans chiffres précis, difficile de mettre en place des politiques efficaces pour protéger les citoyens visés.
Mathias Ott, récemment nommé délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), évoque les freins à la déclaration. « Il y a une forme d’autocensure, de peur aussi, et souvent une impression que ça ne sert à rien », observe-t-il. Pour lui, la mission des pouvoirs publics est claire : « encourager les victimes à parler, porter plainte, et montrer qu’il n’y a pas d’impunité ».
Une communauté meurtrie et en colère
La tension s’est accentuée après la mort d’Aboubakar Cissé, un fidèle, tué dans une mosquée du Gard. L’agresseur aurait tenu des propos hostiles à l’islam avant de passer à l’acte, mais continue de nier toute motivation religieuse. L’émotion a été vive, notamment à Paris où plusieurs rassemblements ont été organisés.
De nombreuses personnes ont fustigé la lenteur de la réaction politique. Bruno Retailleau s’est rendu sur place deux jours après les faits, un délai jugé inacceptable par plusieurs représentants musulmans. Des critiques ont également visé certains discours publics qui, sous couvert de laïcité ou de lutte contre le radicalisme, seraient devenus « stigmatisants », notamment à l’égard des femmes portant le voile.
Une flambée inquiétante des actes en 2024
Les chiffres du premier trimestre 2024 sont sans appel : le ministère de l’Intérieur fait état d’une augmentation de 72% des actes antimusulmans par rapport à la même période l’année précédente, avec 79 faits signalés. Une tendance alarmante que les associations dénoncent depuis plusieurs années. « Après 2015, on avait commencé à tirer la sonnette d’alarme. Mais aujourd’hui, même sans attentat ni fait divers, la haine continue de se banaliser », observe Bassirou Camara.
Ce dernier va plus loin. Selon lui, le discours médiatique et politique contribue à entretenir un climat délétère : « On nous présente comme responsables de tous les maux, au point que ça devient presque risible. L’atmosphère est malsaine, voire toxique », s’inquiète-t-il.
Une réponse attendue des autorités
La rencontre des représentants musulmans avec le chef de l’État puis avec Bruno Retailleau, prévue de longue date, ne suffit pas à rassurer. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a vivement réagi après l’agression d’une jeune femme dans les Yvelines, dont le voile a été arraché en pleine rue. « Certaines voix tentent de faire passer ce choix personnel pour une menace », a souligné l’organisation, dénonçant une instrumentalisation de la laïcité.
À l’heure où les tensions s’exacerbent, l’État est sommé de sortir de l’ambiguïté. La future plateforme de signalement sera un outil de plus dans cette bataille contre les discriminations. Encore faut-il qu’elle s’accompagne d’une volonté politique claire et déterminée à faire reculer l’islamophobie en France.