Santé : vers un remboursement des soins indexé sur les revenus ?

Dans une note récente, la Cour des comptes suggère d'adapter les remboursements de santé au niveau de revenu des assurés, un tournant potentiellement majeur dans l'organisation du système de santé français.

Publié : 18 avril 2025 à 14h52 par La rédaction

Argent santé
Crédit : Gerd Altmann - Pixabay

La Cour des comptes a jeté un pavé dans la mare. Dans une note publiée le 14 avril dernier, elle propose de revoir en profondeur les règles de remboursement des soins en France. L’idée : adapter la prise en charge médicale au revenu de chaque assuré.

Concrètement, les Français les plus aisés se verraient moins remboursés pour leurs consultations, traitements ou médicaments, quand les plus modestes bénéficieraient d’une couverture renforcée. 

Une piste pour réduire le déficit de la Sécurité sociale

Ce que la Cour met en avant, c’est l’urgence à trouver des économies durables. L’objectif de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2025 atteint déjà 265,4 milliards d’euros, et le déficit de la Sécurité sociale pourrait s’élever à près de 20 milliards d’ici 2028. Face à cette trajectoire, les Sages de la rue Cambon estiment qu’il faut « un pilotage plus fin des dépenses de santé ».

La solution ? Réfléchir à une logique plus redistributive dans les remboursements. Autrement dit, une prise en charge qui ne serait plus uniforme pour tous, mais ajustée selon le revenu fiscal de référence. Une idée inspirée d’un modèle déjà en place chez nos voisins allemands.

Le « bouclier sanitaire » allemand en modèle

En Allemagne, les assurés supportent une partie de leurs frais médicaux, proportionnelle à leur revenu annuel, jusqu’à un certain seuil. Une fois ce plafond atteint — par exemple 2% du revenu — l’assurance maladie prend le relais à 100%.

Pour une personne gagnant 30 000 euros par an, cela représente un reste à charge maximum de 600 euros. Ce système, surnommé « bouclier sanitaire », est conçu pour éviter que les plus modestes renoncent aux soins pour des raisons financières.

Selon la Cour des comptes, un tel mécanisme en France permettrait de corriger les inégalités persistantes. En effet, les ménages les plus modestes supportent un reste à charge souvent plus lourd, proportionnellement à leurs ressources. Un constat partagé par l’ancien magistrat François Écalle, qui évoque un facteur d’injustice et un frein à l’accès aux soins.

Une rupture avec le modèle universaliste français

Aujourd’hui, en France, le système repose sur un principe clair : chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Tout le monde bénéficie du même niveau de protection, quels que soient ses revenus.

Changer ce paradigme reviendrait à remettre en question cette vision universaliste. D’où la sensibilité du sujet. Si certains saluent une approche plus équitable, d'autres redoutent une réforme injuste, qui frapperait une fois encore les classes moyennes. « On sait qu’il faut faire des économies », reconnaît une cliente d’une pharmacie interrogée par les médias. « Mais il ne faudrait pas que ce soit toujours les mêmes qui paient. »

Réduire aussi le champ des remboursements ?

En parallèle de cette proposition, la Cour des comptes suggère de revoir le périmètre même des soins pris en charge. Elle cible notamment les cures thermales, dont le bénéfice médical reste peu documenté. En 2023, ces soins ont coûté 250 millions d’euros à la Sécurité sociale. Pourtant, leur taux de remboursement dépasse parfois celui de certains médicaments jugés essentiels.

« Dans le contexte actuel des finances sociales », écrivent les Sages, il serait « nécessaire de remettre en cause cette prise en charge », jugeant le coût trop élevé pour un service médical encore controversé.

Des arbitrages imminents

Pour tenir l'engagement de maîtrise des dépenses pris auprès de Bruxelles — à savoir limiter leur croissance à +2,9% par an jusqu’en 2028 — la France doit trouver jusqu'à 21 milliards d'euros d'économies par rapport à la tendance naturelle du système actuel. Selon la Cour, une réforme des modalités de remboursement pourrait représenter une part significative de cet effort.

Mais le débat ne fait que commencer. Une telle transformation exigerait un consensus politique large et une acceptabilité sociale qui, à ce stade, reste incertaine. Le système de santé, à la croisée des chemins, pourrait bien faire l’objet de profonds ajustements dans les prochaines années. La question est désormais posée : faut-il continuer à garantir le même niveau de remboursement à tous, ou faut-il adapter l’effort à la capacité de chacun ?