"Patience (Sabali)" : DJ Snake et Omar Sy signent un hommage bouleversant à l’exil sénégalais !
Entre musique, poésie et engagement, DJ Snake dévoile un court-métrage poignant sur le départ d’un jeune migrant, avec Omar Sy et la voix inoubliable d’Amadou. Un cri silencieux en soutien aux oubliés de la Méditerranée.
Publié : 6 juin 2025 à 14h19 par La rédaction
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Ce n’est pas un clip, ni un simple exercice de style. Patience (Sabali), mis en ligne par DJ Snake le 5 juin, est un film de onze minutes chargé d’émotion. Réalisé par Valentin Guiod, il suit le départ d’un jeune Sénégalais, Moudou, interprété par Alassane Diong. Face à lui, dans le rôle du père, Omar Sy incarne une douleur contenue. Une même paire d’acteurs que dans Tirailleurs, et une même envie de raconter ce que l’Histoire tait.
Le film est construit autour d’un remix du titre Sabali du duo malien Amadou et Mariam. Sortie en 2008, la chanson – dont le titre signifie « patience » en bambara – résonne ici comme un appel à la dignité. La voix d’Amadou, décédé le 4 avril dernier, y fait une apparition bouleversante, aux côtés de Mariam, dans une scène en boîte de nuit. Un adieu pudique, et un hommage vibrant.
Une production militante, née d’une urgence humaine
Trois années de travail ont été nécessaires pour donner vie à ce court-métrage, tourné entre Dakar et le Siné Saloum. Ce projet, à la croisée de plusieurs cultures – française, sénégalaise et algérienne –, s’est façonné sans calculs mais avec une conviction : celle de faire entendre ceux que l’on n’écoute jamais.
« Ce film est né d’une évidente nécessité d’humanité. C’est un film poétique plus que politique », explique le réalisateur Valentin Guiod.
DJ Snake, de son vrai nom William Grigahcine, assume cet engagement. « Celui-ci est plus profond et plus personnel que d’habitude : il explore un territoire inconnu et raconte une histoire qui compte. Je pense qu’il est important que nous utilisions notre voix pour ceux qui n’en ont pas », a-t-il posté sur X en dévoilant un extrait du film.
Une prise de parole sans filtre
Connu pour ses tubes mondiaux et ses concerts géants, DJ Snake n’oublie pas d’où il vient. À 38 ans, celui qui a grandi en région parisienne, entre voisins maliens, turcs, antillais ou marocains, porte en lui cette richesse multiculturelle.
« J’aime représenter les gens qu’on n’entend pas. Moi-même, je ne me suis pas senti entendu étant petit. On montait à Paris, on se faisait contrôler, on ne nous donnait pas de logement. Et pourtant, je m’appelle William et je suis blanc. Alors imaginez quand on s’appelle Aboubacar ou Karim… », raconte-t-il avec sincérité.
Il le sait, ce genre de prise de position peut coûter cher. « C’est risqué commercialement, mais on s’en fout », tranche-t-il.
Un regard plein de poésie sur l’exil
Patience (Sabali) ne montre pas les tragédies de la Méditerranée, mais les suggère avec douceur. À travers les gestes du père, les silences de Moudou, les paysages baignés de lumière. Omar Sy, très investi, souligne : « Le Sénégal est une très belle terre pour raconter cette histoire. On ne part pas de là par plaisir. Montrer la beauté de cette terre, le lien entre les gens, c’est essentiel. »
Derrière ce film, il y a aussi un engagement fort : soutenir SOS Méditerranée. Depuis 2015, l’association a secouru plus de 42 000 personnes. Chaque jour en mer coûte 24 000 euros, presque entièrement couverts par des dons. Ce film est un moyen de rappeler que derrière les chiffres, il y a des visages.
La musique comme trait d’union
Amadou et Mariam ne sont pas là par hasard. Leur chanson Sabali est au cœur du récit. « Ce sont des légendes de la musique africaine. J’ai grandi avec leurs sons, et ceux de toutes les cultures qui m’entouraient. C’est devenu ma plus grande force », confie DJ Snake.
Ce morceau, réinventé ici, prend une résonance nouvelle. À la fois berceuse et cri muet, il accompagne le chemin d’un exil dont on ne sait s’il aboutira. L’artiste glisse : « Je ne suis pas un super-héros. Je fais de la musique pour faire danser les gens, mais j’ai ma sensibilité. Et parfois, on a besoin de se battre pour la dignité. »
Une œuvre hors cadre, pour une cause universelle
Dans la salle du Grand Rex, à Paris, où l’avant-première a eu lieu, l’émotion était palpable. Ce film n’a pas de prétention commerciale, ni de visée politique. Il parle simplement de ce qu’on tait trop souvent. Des départs silencieux. Des adieux sans retour.
Peut-il ouvrir la voie à d’autres projets ? « Pourquoi pas ? À chaque fois que j’ai commencé un truc, ça partait d’une idée simple, sans stratégie », confie DJ Snake dans un sourire.
Comme un écho à sa propre trajectoire. « Omar, aussi. Il faisait des blagues avec Fred, et aujourd’hui, il tourne dans des Marvel. Pour un mec de Trappes, c’est pas mal… »
Patience (Sabali) n’est pas une œuvre comme les autres. C’est une main tendue. Un regard. Une prière en images. Et un rappel, puissant : l’exil a des visages. Et une dignité.