Renouvellement automatique des titres de séjour : l’Assemblée bouscule le gouvernement !

Les députés ont adopté un texte qui instaure le renouvellement automatique des titres de séjour longue durée, malgré l’opposition du gouvernement. Une mesure portée par la gauche, pensée pour répondre à l’effondrement des délais en préfecture et à la précarité qu’ils engendrent.

Publié : 12 décembre 2025 à 21h46 par La Rédaction

Carte de séjour
Crédit : DR

Un vote inattendu qui renverse la logique administrative. La scène s’est jouée jeudi soir dans un hémicycle agité, lors de la journée réservée au groupe socialiste. Contre toute attente, l’Assemblée nationale a validé une proposition de loi qui bouleverse le système actuel de renouvellement des titres de séjour longue durée. 98 voix pour, 37 contre : la majorité présidentielle et la droite n’ont pas pesé face à la mobilisation de la gauche.

À l’origine du texte, la députée socialiste Colette Capdevielle. Pour elle, ces renouvellements sont devenus un chantier bureaucratique interminable. Elle dénonce une “injustice criante” et rappelle que plus de 99 % des demandes finissent par être validées. Son constat est sans détour : “Nous réussissons l'exploit d'emboliser un système pour moins de 1% des dossiers.

Elle dépeint aussi la réalité des files d’attente, des mois pour obtenir un rendez-vous et des plateformes saturées. Pour Colette Capdevielle, ces lenteurs provoquent des ruptures de droits qui frappent de plein fouet des personnes installées depuis longtemps en France. “La machine administrative fabrique elle-même la précarité, nous fabriquons des sans-papiers”, lance-t-elle.

Ce que prévoit le texte voté par les députés

La proposition instaure le renouvellement automatique des cartes pluriannuelles et des cartes de résident. L’administration conserverait toutefois le pouvoir de s’opposer à ce renouvellement, mais seulement si elle démontre l’existence d’un motif juridique sérieux.

L’objectif est clair : libérer les préfectures d’une procédure mécanique, réduire les délais et éviter que des femmes et des hommes perdent emploi, logement ou couverture maladie simplement parce que l’État ne traite pas leur dossier à temps.

Un gouvernement farouchement opposé à la réforme

Le gouvernement n’a pas souhaité accompagner cette initiative. La ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, Marie-Pierre Vedrenne, reconnaît certes “des délais dégradés”, mais conteste le cœur du dispositif. Elle redoute les fragilités juridiques d’une automaticité jugée dangereuse.

Elle met en garde contre les effets indésirables. Selon elle, un titre pourrait être renouvelé sans contrôle suffisant, par exemple après “une condamnation pénale” ou “la découverte d’une polygamie”, si l’information n’arrive pas à temps dans le dossier administratif.
Elle estime aussi que la mesure “déplacerait la charge de travail” sans résoudre le problème de fond.

Des débats électriques, entre accusations et répliques cinglantes

La droite et l’extrême droite ont vivement attaqué le texte. “Vous êtes en train de créer un grave danger”, lance Laurent Jacobelli (RN), jugeant la réforme laxiste. Dans sa réponse, Colette Capdevielle affirme au contraire que “l'administration conserve la possibilité, notamment en cas d'une condamnation qui trouble gravement l'ordre public, de pouvoir retirer le titre”. Puis elle assène : “Pas l'un d'entre vous n'a apporté une once de solution, ni humanisme, ni réalisme. En fait, vous êtes tous simplement très, très racistes.

Certaines interventions ont marqué la séance. Soumya Bourouaha (GDR) a confié avoir connu elle-même “cette peur paralysante, cette impression que sa vie reste suspendue”, en attendant un renouvellement. Pour elle, le texte touche d’abord au “respect des droits fondamentaux”. Andrée Taurinya (LFI) a salué une avancée qui simplifie la vie de milliers de résidents étrangers stables en France.

Des propositions socialistes adoptées en série

Cette journée parlementaire aura été fructueuse pour la gauche. Plusieurs propositions du groupe socialiste ont été validées, profitant à chaque fois d’une forte mobilisation des groupes de gauche et d’un faible engagement des oppositions.

Les députés ont notamment voté une mesure majeure pour les mineurs protégés : garantir un avocat à chaque enfant placé ou suivi par les services sociaux. Cette adoption intervient alors qu’une vidéo montrant un enfant tondu dans un foyer parisien a ému le pays.

Une autre proposition a été adoptée pour permettre à des jeunes isolés, évalués majeurs, de conserver l’accès à certaines protections, dont l’hébergement d’urgence, lorsqu’ils déposent un recours.

Enfin, les députés ont voté la pérennisation de l’encadrement des loyers, malgré l’avis négatif du gouvernement.

Une bataille législative qui ne fait que commencer

Si les socialistes savourent une victoire symbolique, l’avenir du texte reste incertain. Le projet doit maintenant être examiné par le Sénat, où la droite est majoritaire et farouchement opposée au renouvellement automatique.

Pour les partisans de la réforme, la priorité est simple : mettre fin à un système qui transforme une formalité en épreuve et fragilise inutilement des milliers de familles. Pour ses opposants, il s’agit d’un affaiblissement de la politique migratoire.

Entre humanisme revendiqué et craintes sécuritaires, le débat promet encore de longs affrontements.