Panorama du CNLE : pourquoi la baisse du chômage ne fait pas reculer la pauvreté ?
Le nouveau Panorama du CNLE questionne les liens entre baisse du chômage et stagnation de la pauvreté entre 2015 et 2022.
Publié : 14 mai 2025 à 11h47 par La rédaction
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Alors que le chômage a nettement reculé en France depuis 2015, la pauvreté, elle, n’a pas suivi la même trajectoire. C’est ce que révèle le tout premier numéro du Panorama de l’évolution de la pauvreté et de l’exclusion sociale, publié par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE).
Ce rapport, fruit d’une analyse pluriannuelle, s’interroge sur un paradoxe de plus en plus visible : pourquoi la forte décrue du chômage sur la période 2015-2022 ne s’est-elle pas traduite par une baisse de la pauvreté monétaire ?
Une baisse du chômage... sans amélioration significative de la pauvreté
Le taux de chômage a perdu trois points entre 2015 et 2022. Pourtant, les indicateurs de pauvreté n’ont que peu évolué. Le taux de pauvreté monétaire – qui mesure la part de la population vivant avec un revenu inférieur à 60% du revenu médian – est resté élevé.
La privation matérielle et sociale n’a pas diminué. Pire, la pauvreté ressentie a, elle, progressé de manière marquée. En sept ans, la proportion de personnes déclarant se sentir pauvres est passée de 12,4% à 18,7%.
Cette réalité, confirmée par les retours des acteurs sociaux de terrain, alerte le comité scientifique du CNLE. Ces derniers décrivent un climat social de plus en plus tendu, marqué par une montée de l’agressivité, notamment en lien avec l’inadéquation croissante entre les aides publiques et les besoins des personnes précaires, y compris celles qui travaillent.
Trois causes majeures identifiées
Dans ce rapport, le CNLE met en avant trois explications principales à cette dissonance entre l'amélioration du marché du travail et la persistance de la pauvreté :
L’emploi ne garantit plus une sortie de la pauvreté. De nombreux postes créés durant cette période sont faiblement rémunérés, précaires ou à temps partiel, insuffisants pour élever durablement les ménages au-dessus du seuil de pauvreté.
Les inactifs sont de plus en plus vulnérables. La situation financière des personnes ne participant pas au marché du travail – notamment les retraités modestes ou les personnes en invalidité – s’est détériorée, accentuant leur précarité.
Le seuil de pauvreté progresse plus vite que les revenus des plus pauvres. Les hausses de revenu n’ont pas suffi à suivre l’évolution du seuil de pauvreté, entraînant une forme de décrochage des ménages les plus modestes.
Une approche qualitative via le baromètre BaPE
Pour appuyer cette analyse, le CNLE s’est appuyé sur un outil inédit : le Baromètre de suivi qualitatif de la pauvreté et de l’exclusion sociale (BaPE). Mis en place en 2021 à la demande de l’ancien Premier ministre Jean Castex, cet instrument vise à recueillir la parole des personnes concernées par la pauvreté. Il permet de prendre en compte des éléments difficilement mesurables par les indicateurs habituels, tels que la détresse psychologique, la difficulté d’accès aux droits ou encore le sentiment d’abandon.
Les témoignages recueillis auprès du BaPE ont contribué à éclairer la troisième partie du rapport, centrée sur l’évolution du climat social. De nombreux acteurs de terrain y signalent une aggravation des tensions sociales, qui reflètent un malaise croissant dans les zones les plus précarisées.
Un outil d’aide à la décision publique
Le Panorama de l’évolution de la pauvreté et de l’exclusion sociale s’inscrit dans les missions fondamentales du CNLE, tel que défini par la loi de 1988. Il vise à mieux comprendre les multiples facettes de la pauvreté pour adapter les politiques publiques aux réalités vécues sur le terrain. Ce rapport nourrit également les réflexions du Conseil du CNLE, dans lequel siègent pour moitié des personnes directement concernées par la pauvreté.
L’objectif est clair : éclairer les choix du gouvernement en matière de lutte contre la précarité, en allant au-delà des statistiques brutes. « Mieux comprendre pour mieux agir » pourrait résumer l’ambition de cette nouvelle publication.