L’Assemblée nationale restreint le droit du sol à Mayotte !

Une proposition de loi durcissant les conditions d’acquisition de la nationalité a été adoptée à l’Assemblée, relançant un débat explosif sur l’immigration.

Publié : 7 février 2025 à 12h11 par La rédaction

Assemblée nationale
Crédit : Assemblée nationale - Facebook

Le débat sur le droit du sol divise profondément la classe politique. L’Assemblée nationale a adopté, jeudi 6 février, une proposition de loi portée par la Droite Républicaine (DR), visant à restreindre les conditions d’accès à la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte.

Ce texte, soutenu par le gouvernement et le Rassemblement national (RN), a provoqué de vifs affrontements entre les députés, notamment entre la droite et la gauche.

Un débat houleux à l’Assemblée

Dès le début des discussions, la tension était palpable. Sébastien Delogu, député de La France Insoumise (LFI), a dénoncé une loi qu’il juge « xénophobe », provoquant une réponse cinglante d’Estelle Youssouffa, députée de Mayotte, qui a reproché à la gauche de « se vanter d’actes de charité » au lieu d’aider réellement les Mahorais.

La situation s’est encore envenimée en fin de journée, lorsque le rapporteur de la loi, Philippe Gosselin, s’est adressé aux députées LFI Danièle Obono et Mathilde Panot en leur lançant : « Occupez-vous de vos propres niches, j’aurais tendance à dire ‘Restez-y peut-être même’ », des propos qui ont suscité une vive indignation à gauche.

Malgré ces tensions, la proposition de loi a été adoptée par 162 voix contre 93. La gauche, qui a multiplié les rappels au règlement et les suspensions de séance pour ralentir le vote, dénonce une remise en cause grave des principes républicains.

Un texte encore durci en séance

À l’origine, la loi prévoyait que l’acquisition de la nationalité pour les enfants nés à Mayotte soit conditionnée à la résidence régulière d’au moins un an de leurs deux parents en France.

Un amendement, soutenu par l’Union de la Droite Républicaine (UDR) et le RN, a cependant triplé cette durée à trois ans. Une adoption inattendue, car plusieurs députés de gauche ont voté pour cet amendement par erreur, tandis que certains du RN ont voté contre alors qu’ils souhaitaient l’inverse.

Face à cette situation, Gérald Darmanin, favorable au texte initial, a proposé une nouvelle délibération pour corriger le vote avant de se raviser, promettant de rétablir la durée d’un an lors du passage du texte au Sénat.

Pour Boris Vallaud, président du groupe socialiste, cette promesse ne convainc pas. « Nous ne faisons aucune confiance à Darmanin pour mener à bien les choses », a-t-il déclaré, tandis qu’Éric Coquerel (LFI) a fustigé un texte qui « revient sur le droit républicain avec les voix de l'extrême droite ».

Une stratégie politique derrière cette loi ?

Pour Laurent Wauquiez, chef de file des députés DR, cette loi représente un premier pas vers un durcissement général du droit du sol en France. Il s’est félicité de son adoption en affirmant que « nos compatriotes Mahorais l’attendaient, nous l’avons fait ».

Mais au-delà de Mayotte, la droite espère avec ce texte prendre l’ascendant sur le RN dans le débat sur l’immigration. Marine Le Pen a réalisé certains de ses meilleurs scores sur l’archipel, et aux élections législatives de 2024, l’extrême droite y a décroché son premier siège avec la victoire d’Anchya Bamana face au député LR sortant.

Si le RN a soutenu la proposition de loi, il la juge insuffisante et milite pour une suppression complète du droit du sol à Mayotte et en métropole. « Cette mesure est indispensable pour protéger ces territoires, ces infrastructures et surtout ces habitants qui subissent depuis trop longtemps une pression migratoire insupportable », a martelé Yoann Gillet, député RN.

Un débat national relancé

Cette loi a ouvert une brèche dans le débat public. Gérald Darmanin estime qu’il faut désormais « ouvrir un débat sur le droit du sol en France », suggérant même qu’une réforme constitutionnelle soit tranchée lors de la présidentielle de 2027 ou via un référendum.

Mais cette idée divise jusque dans la majorité. Invitée sur RTL, Élisabeth Borne a pris ses distances avec cette proposition, tout en plaidant pour des « mesures fortes pour limiter l’immigration illégale à Mayotte ». Elle a critiqué l’idée de renvoyer ce débat à une future réforme constitutionnelle, affirmant que « les Français attendent des actes, pas des promesses pour plus tard ».

Le débat sur l’immigration ne cesse donc de s’intensifier, mettant en lumière des fractures politiques profondes et une bataille d’influence entre la droite républicaine, l’extrême droite et la gauche. L’avenir de cette loi et son éventuelle extension à l’ensemble du territoire français restent incertains, mais une chose est sûre : le sujet du droit du sol est plus que jamais au cœur des affrontements politiques.