L’Assemblée nationale prête à interdire les mariages avec des sans-papiers ?

Une proposition de loi visant à interdire le mariage avec une personne en situation irrégulière divise profondément les députés.

Publié : 17 juin 2025 à 13h15 par La rédaction

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Crédit : Assemblée nationale - Facebook

Soutenu par la droite, le texte sera examiné le 26 juin à l’Assemblée. Il promet de durcir les conditions d’union, au nom de la lutte contre les mariages frauduleux. La gauche dénonce une attaque contre une liberté fondamentale.

Une loi contre les mariages dits « blancs »

La commission des lois de l’Assemblée nationale a validé, ce lundi 16 juin, un texte polémique. Il prévoit d’ajouter au Code civil un article interdisant le mariage à toute personne vivant en France sans titre de séjour. L’objectif affiché : « mettre fin aux mariages simulés ou arrangés », notamment entre un Français et un étranger en situation irrégulière.

« Il faut protéger nos maires et mettre fin à une situation ubuesque », justifie Éric Michoux, député UDR et rapporteur du texte. Selon lui, certains édiles se retrouvent contraints d’unir des couples qu’ils soupçonnent de fraude, devenant ainsi complices malgré eux. Le mariage serait ainsi utilisé comme un « outil de régularisation détourné ».

Des mesures de contrôle renforcées

Outre l’interdiction de mariage pour les sans-papiers, la loi prévoit un renforcement des pouvoirs des officiers d’état civil. Ces derniers pourraient exiger des preuves du droit au séjour pour évaluer la légalité de l’union à venir. Autre changement : le délai de sursis qu’un procureur peut prononcer en cas de doute passera d’un à deux mois, avec la possibilité de le renouveler.

Des dispositions saluées par une partie de la majorité. « La lutte contre les mariages blancs est une vraie préoccupation sur le terrain », a affirmé Emmanuelle Hoffman, députée du groupe présidentiel. Mais elle s’est opposée à l’article central du texte, invoquant un risque d’inconstitutionnalité.

Une liberté fondamentale remise en cause ?

C’est justement sur ce point que les critiques sont les plus vives. Le Conseil constitutionnel a déjà statué en 2003 qu’un séjour irrégulier ne pouvait, à lui seul, empêcher un mariage. Pour les parlementaires de gauche, cette proposition constitue une grave entorse à un droit fondamental.

« Une nouvelle dérive de la droite et de l’extrême droite », s’est insurgée Céline Thiébault-Martinez, députée socialiste. Aurélien Taché (LFI) dénonce, lui, un texte qui « franchit un cap dans l’ignominie », transformant les mairies en « postes-frontières ». Il rappelle qu’en 2022, seules 406 suspicions de mariage frauduleux ont été recensées sur plus de 250 000 mariages.

Une mesure « de bon sens » pour ses promoteurs

À l’origine du texte, le sénateur centriste Stéphane Demilly affirme vouloir clarifier le droit. « Cette mesure est simple, claire et nécessaire. Elle est déjà en vigueur dans des pays comme le Danemark ou la Suisse », argumente-t-il. Il insiste sur l’urgence de donner une réponse aux élus confrontés à ces situations sensibles.

Le président Emmanuel Macron lui-même avait évoqué un « débat de bon sens », et plusieurs ministres, dont Bruno Retailleau à l’Intérieur et Gérald Darmanin à la Justice, ont soutenu la démarche.

Vers une adoption le 26 juin ?

Le texte a été adopté en décembre 2023 par le Sénat. Il sera examiné le 26 juin à l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une journée réservée au groupe « Union des droites pour la République », présidé par Éric Ciotti. Une majorité pourrait donc se dessiner autour de la mesure.

Mais pour une partie de l’opinion et de la classe politique, cette loi symbolise un tournant. « C’est l’amour qu’on suspecte », déplore Aurélien Taché. Pour Léa Balage El Mariky (écologiste), il s’agit d’une « offensive contre une France diverse et républicaine ». Et Elsa Faucillon (GDR) de rappeler que le séjour irrégulier n’est ni un crime, ni un délit.