Immigration de travail : quand l'utilité économique bouscule les préjugés !
Loin des discours binaires, une enquête du CRÉDOC pour Terra Nova révèle une France divisée mais moins fermée qu’on ne le pense à l'immigration de travail. Si les peurs restent fortes, le prisme économique semble rebattre les cartes.
Publié : 14 mai 2025 à 12h19 par La rédaction
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L’étude, réalisée auprès de 2000 personnes, le confirme : l’immigration souffre d’un profond malentendu. Seuls 19% des Français la classent parmi leurs priorités, mais ils en ont une image déformée.
73% surestiment le nombre d’immigrés présents en France — 35% pensent même qu’ils représentent plus d’un quart de la population, alors qu’ils sont 10,7%. Pire, 89% sous-estiment leur taux d’activité : beaucoup imaginent qu’ils ne travaillent pas, alors qu’ils sont 62,5% à occuper un emploi.
Une perception biaisée qui s’explique, selon les auteurs, par une exposition continue aux discours alarmistes. « La représentation dominante est donc que les immigrés sont deux à trois fois plus nombreux qu’ils ne le sont en réalité et qu’ils travaillent deux à trois fois moins qu’ils ne le font en réalité. »
Le facteur clé : la proximité
Le niveau de contact avec les immigrés change radicalement la donne. Moins on côtoie de personnes issues de l’immigration, plus on est hostile à leur venue. Ainsi, 64% de ceux qui n’ont aucun lien direct s’y opposent, contre 34% chez ceux qui entretiennent des relations plus régulières.
Cette dynamique est confirmée par ce que les chercheurs appellent « la théorie du contact » : la familiarité réduit les peurs. Et cela vaut autant pour l’ouverture à l’immigration en général que pour l’acceptation des régularisations ou de l’immigration qualifiée.
Le travail, vecteur d’adhésion
Dès que l’immigration est associée à l’emploi, les résistances diminuent. 58% des sondés sont favorables à une immigration « choisie » selon les besoins du pays. Une préférence qui s’exprime aussi dans les cas concrets : 66% des Français souhaitent la régularisation des sans-papiers déjà présents sur le sol national, à condition qu’ils exercent dans des métiers en tension.
Là encore, la nuance est essentielle. Même parmi ceux qui rejettent l’immigration peu qualifiée, 49% soutiennent la régularisation de ceux qui travaillent déjà. Et près de 80% estiment qu’« une personne étrangère qui travaille, cotise et paie ses impôts depuis plusieurs années mérite de devenir française. »
Selon les estimations reprises dans les travaux de Terra Nova, la France devrait accueillir chaque année environ 310 000 immigrés pour maintenir un équilibre entre actifs et inactifs, et répondre à la pénurie de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs.
Moins d’inquiétudes qu’on ne le croit
Contrairement aux idées reçues, l’immigration de travail n’est pas perçue comme une menace économique majeure. Pour 60% des répondants, elle a un effet neutre ou positif sur l’économie.
Concernant les salaires, les opinions sont plus partagées : 51% ne voient pas de lien ou jugent qu’elle pourrait même tirer les rémunérations vers le haut, tandis que 46% craignent l’effet inverse.
Les perceptions dépendent aussi de la qualification. L’immigration qualifiée recueille davantage d’adhésion (50%) que celle jugée peu qualifiée (42%).
Un quotidien encore marqué par la défiance
Si les immigrés sont largement acceptés dans les rôles professionnels — 76% dans l’hôtellerie-restauration, 75% comme collègues, 72% dans la santé ou l’informatique —, les réticences réapparaissent dans la sphère privée. Garder les enfants ou s’occuper de parents âgés suscite davantage de réserves (59% d’avis favorables).
Mais ces refus ne sont pas toujours liés au rejet. Il s’agit souvent de situations où les personnes concernées n'ont ni enfants, ni recours à une aide à domicile. Le niveau d’études, la catégorie socio-professionnelle ou l’âge jouent ici un rôle déterminant.
Des lignes qui bougent
L’enquête montre qu’il existe une fracture réelle entre les fantasmes liés à l’immigration et les faits. Mais elle révèle aussi que le travail agit comme un pont : il rassure, donne du sens, et légitime une présence souvent critiquée par principe.
Comme le souligne le rapport, « si le travailleur immigré semble mieux accepté que d’autres figures de l’immigration, c’est parce que le travail est considéré comme le plus puissant facteur d’intégration, juste derrière la pratique de la langue française. »
Dans un contexte de vieillissement démographique et de tension sur le marché du travail, cette vision plus pragmatique pourrait peser dans les débats à venir.