Fatima Hassouna, voix lumineuse d’un peuple sous les bombes, tuée à Gaza à 25 ans !

Photojournaliste palestinienne engagée, elle documentait le quotidien des civils dans la bande de Gaza. Son travail, salué à l’international, s’est arrêté brutalement le 16 avril 2025, la veille de son départ pour Cannes.

Publié : 22 avril 2025 à 14h36 par La rédaction

Fatima Hassouna
Crédit : DR

Elle voulait que sa mort ne passe pas inaperçue. Elle avait même écrit : « Je veux une mort dont le monde entier entendra parler. » Le 16 avril 2025, Fatima Hassouna a été tuée, à l’aube, par une frappe israélienne sur sa maison familiale, dans le quartier d’Al-Touffah, à Gaza. 

Elle avait 25 ans. Dix membres de sa famille sont morts à ses côtés, dont sa sœur enceinte. Quelques jours plus tard, elle devait se marier. Et son documentaire, construit avec la réalisatrice Sepideh Farsi, venait d’être sélectionné pour le Festival de Cannes.

Une voix du dedans

Née en mars 2000 dans la bande de Gaza, Fatima Hassouna a grandi au sein d’une famille modeste. Son père était chauffeur de taxi. Elle étudie le multimédia au Collège universitaire des sciences appliquées de Gaza et, dès 2023, elle commence à couvrir les conséquences de la guerre sur les civils. Après l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 et l’interdiction faite aux journalistes étrangers d’entrer dans la bande de Gaza, elle devient l’une des rares à pouvoir témoigner de l’intérieur.

Son objectif : montrer la vie malgré les bombes. Elle photographie les déplacements forcés, les ruines, les deuils. Mais aussi les enfants qui jouent, les familles qui survivent. Elle organise également des ateliers d’écriture dans une école transformée en refuge. Son travail est publié dans The Guardian et relayé par de nombreux médias à l’étranger.

Une image gravée dans la mémoire

Le 13 janvier 2024, elle échappe de peu à la mort lors d’une frappe qui décime une partie de sa famille. Malgré ce drame, elle poursuit son engagement. La veille de sa mort, le 15 avril, elle publie sur Instagram la photo d’un coucher de soleil, accompagnée de ces mots : « C’est le premier coucher de soleil depuis longtemps. »

Le lendemain matin, un missile frappe la maison familiale. Selon l’armée israélienne, l’attaque visait un membre du Hamas impliqué dans des actions armées. Contactée, l’armée affirme avoir pris des précautions pour éviter des victimes civiles. Mais la réalisatrice Sepideh Farsi rejette ces explications. « Je connais toute la famille. C’est absurde », déclare-t-elle.

Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU dénonce un acte délibéré. « Son crime a été de tenir la chronique du génocide à travers des articles et des photos percutantes. Ce qu’un régime génocidaire ne peut pas permettre », écrit-elle.

Put Your Soul on Your Hand and Walk (« Mets ton âme sur ta main et marche »), le documentaire co-réalisé avec Sepideh Farsi, repose sur un an d’échanges vidéo entre les deux femmes. Fatima y partage son quotidien, ses doutes, sa volonté de rester à Gaza, malgré les risques. Dans leur dernière conversation, elle affirme : « Je viendrai [à Cannes], mais je dois retourner à Gaza. Je ne veux pas quitter Gaza. » Le film, sélectionné dans la section ACID du Festival de Cannes 2025, sera projeté comme un hommage.

Une disparition qui bouleverse le monde

Le message publié par Fatima en août 2024 sur Instagram résonne douloureusement : « Si je meurs, je veux une mort retentissante... une empreinte qui restera à jamais. » Son assassinat suscite une vague d’émotion dans le monde entier. Le jour même, à Paris, 200 journalistes français organisent un die-in devant l’Opéra Bastille. Son portrait est brandi en silence.

À travers ses images, sa voix et son engagement, Fatima Hassouna laisse un héritage. Elle devient, pour beaucoup, le symbole d’une jeunesse palestinienne courageuse, qui lutte avec des mots et des images face à la violence et au silence.

Selon la Fédération internationale des journalistes, au moins 157 professionnels des médias ont été tués à Gaza depuis octobre 2023. D’autres organisations avancent un chiffre dépassant les 200. Fatima Hassouna est l’un d’eux. Mais elle est surtout une voix que l’on n’oubliera pas.