Émotions, larmes et silences : le 8 mai 1945 reste une plaie ouverte !
Huit décennies se sont écoulées depuis les massacres du 8 mai 1945. En Algérie, la douleur ne s’estompe pas. À Sétif, Guelma et Kherrata, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont été tués par les forces coloniales françaises. Cette année encore, les commémorations prennent une dimension particulière, entre devoir de mémoire, reconnaissance tardive et diplomatie parlementaire.
Publié : 7 mai 2025 à 9h48 par La rédaction
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Alors que l’Europe fêtait la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Algérie vivait un cauchemar. Le 8 mai 1945, des milliers d’Algériens descendent dans les rues pour réclamer leurs droits, la libération de Messali Hadj et surtout l’indépendance. Ils brandissent des pancartes, chantent l’hymne des montagnes, et espèrent. Mais la joie se transforme en bain de sang.
À Sétif, un jeune scout musulman, Bouzid Saâl, est abattu pour avoir brandi un drapeau algérien. Ce geste, simple et pacifique, déclenche une répression d’une violence inouïe. La chasse à l’homme s’organise dans toute la région.
Un massacre planifié, une répression sans limite
À Guelma, des milices armées encadrées par l'administration coloniale arrêtent, torturent et exécutent. Des centaines d’Algériens sont fusillés, brûlés vifs, ou jetés dans des fosses communes. À Kherrata, des rafales de mitrailleuses et des bombardements rasent les villages. Les gorges deviennent des tombes collectives. Des familles entières disparaissent.
« À Kef-El-Boumba, j’ai vu des Français faire descendre d’un camion cinq personnes les mains ligotées, les mettre sur la route, les arroser d’essence avant de les brûler vivantes », a témoigné l’historien algérien Boucif Mekhaled. À Héliopolis, les corps sont brûlés dans un four à chaux pendant dix jours.
Le chiffre noir des victimes : une bataille de la vérité
Combien sont-ils ? Officiellement, la France parle de 1 165 morts. L’Algérie évoque 45 000 victimes. Les historiens oscillent entre 5 000 et 30 000. Ce que personne ne conteste : il s’agit d’un massacre de masse, d’une répression planifiée et aveugle. « Ce jour-là, le monde a basculé », écrira plus tard Houari Boumédiène. « Même les ancêtres ont bougé sous terre. »
Parlementaires français en Algérie : des gestes malgré les tensions
Cette année, à l’occasion du 80e anniversaire, une délégation de députés et sénateurs français se rend en Algérie. Parmi eux, Laurent Lhardit, Danielle Simonnet, Raphaël Daubet ou encore Belkhir Belhaddad. Un déplacement fort, alors que les relations diplomatiques entre les deux pays sont tendues.
« Là où le gouvernement est peut-être bloqué, la diplomatie parlementaire, elle, continue de fonctionner », confie la députée écologiste Sabrina Sebaihi. Pour ces élus, ce voyage est un acte symbolique. Une reconnaissance implicite de la souffrance infligée. « Reprendre le chemin du dialogue passe aussi par la reconnaissance de ces massacres », déclare le sénateur Daubet.
Le silence des livres d’histoire, le poids des mémoires
Longtemps, ces massacres ont été effacés des manuels scolaires français. Ce n’est qu’en 2005 que la France parle officiellement de « tragédie inexcusable ». En 2012, François Hollande reconnaît « les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien ».
Le 8 mai est devenu en Algérie la Journée nationale de la Mémoire. Un moment pour se recueillir. Pour raconter aux enfants l’histoire de Bouzid Saâl, de Mohamed Reggui, des 45 scouts musulmans de Guelma. Et pour que, jamais, l’oubli ne vienne remplacer la justice.
Un passé qui continue de parler au présent
À Sétif, Guelma, Kherrata, les pierres se souviennent. Chaque cri étouffé, chaque corps disparu, chaque silence imposé, résonne encore dans les mémoires familiales. Ce 8 mai, 80 ans plus tard, l’histoire ne demande ni vengeance ni oubli. Elle réclame simplement qu’on l’écoute enfin, sans détour, sans travestir les faits.