Crise diplomatique entre Paris et Alger : l'affaire Amir DZ fait vaciller la relance des relations franco-algériennes !
Expulsions croisées, rappel d’ambassadeur et accusations mutuelles ravivent les tensions entre Alger et Paris, malgré les efforts de réconciliation amorcés fin mars.
Publié : 16 avril 2025 à 20h10 par La rédaction
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La crise entre la France et l’Algérie a franchi un nouveau seuil de tension. Paris a répondu ce mardi 15 avril 2025, à l’expulsion de douze agents diplomatiques français par Alger en adoptant des mesures symétriques : rappel de son ambassadeur à Alger, Stéphane Romatet, et renvoi de douze diplomates algériens en poste en France. Cette escalade diplomatique vient briser une tentative fragile de reprise du dialogue engagée à la fin mars entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune.
Retour sur deux semaines de dégradation rapide
Les signaux semblaient pourtant encourageants. Le 31 mars, un appel téléphonique entre les deux chefs d’État visait à apaiser des mois de tensions nourries par des divergences sur le Sahara occidental et l’immigration.
Emmanuel Macron appelait alors à « un geste de clémence et d’humanité » à l’égard de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien. La reprise de la coopération migratoire et sécuritaire figurait aussi parmi les engagements pris.
Dans la foulée, le 6 avril, Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, effectuait une visite officielle à Alger. Il y affichait sa volonté de « reconstruire un partenariat apaisé », se félicitant d’un dialogue « franc » et « utile ». Mais cette dynamique n’aura duré que quelques jours.
L'affaire Amir DZ, déclencheur de la rupture
Le 11 avril, la justice française annonçait la mise en examen de trois hommes, dont un agent du consulat algérien à Créteil. Ils sont soupçonnés d’avoir participé à l’enlèvement d’Amir Boukhors, alias Amir DZ, influenceur algérien critique du gouvernement en place à Alger. Les autorités françaises parlent de faits graves : enlèvement, séquestration, en lien avec une entreprise terroriste.
Si le lien direct avec l’État algérien reste incertain, selon les propos même du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, le dossier a fait l’effet d’un séisme diplomatique. L’Algérie y voit une instrumentalisation politique.
« Cette affaire est montée en épingle, alors qu’elle repose sur des éléments bien faibles », a fustigé Ahmed Attaf, ministre algérien des Affaires étrangères. Alger accuse Paris de se servir de cette affaire pour « saboter la relance des relations bilatérales ».
Expulsions en chaîne et rappel d’ambassadeur
En réaction à la mise en examen de son agent consulaire, Alger a ordonné l’expulsion immédiate de douze fonctionnaires français en poste à l’ambassade de France. Paris a dénoncé une décision « injustifiée », estimant qu’elle « méconnaît les règles élémentaires de nos procédures judiciaires ».
Emmanuel Macron, initialement prudent, a fini par hausser le ton. La France a aussitôt décidé de mesures de réciprocité : douze diplomates algériens seront également renvoyés sous 48 heures, tandis que l’ambassadeur de France à Alger est rappelé pour consultations.
« Les autorités algériennes prennent la responsabilité d’une dégradation brutale de nos relations bilatérales », souligne l’Élysée. Jean-Noël Barrot, en charge du Quai d’Orsay, parle d’un "choix de l’escalade" de la part d’Alger.
L’Algérie « déplore » les mesures françaises
La réponse algérienne n’a pas tardé. Sur les ondes de la radio algérienne, Sofiane Chaib, secrétaire d'État auprès du ministre des Affaires étrangères, a déclaré que l’Algérie « prend acte » de la décision française, tout en précisant ne pas encore avoir connaissance « des contours précis des personnes concernées ».
Il insiste : la décision algérienne d’expulser des agents français repose sur une « crise inédite », provoquée selon lui par le traitement « spectaculaire » de l’affaire judiciaire par Bruno Retailleau.
Mr Chaib rappelle que l’Algérie se réserve le droit de prendre « de nouvelles mesures » en réponse, conformément au principe de réciprocité. Il accuse le ministre français de l’Intérieur d’avoir ravivé une affaire « âgée de huit mois » pour relancer artificiellement les tensions.
Une crise à fort enjeu politique et historique
Cette brusque détérioration des relations franco-algériennes survient alors même que les deux pays semblaient vouloir sortir d’une période marquée par des désaccords profonds. L’ombre de la reconnaissance du Sahara occidental comme marocain par Emmanuel Macron, position qui a irrité Alger, plane toujours.
Mais au-delà de ce contentieux géopolitique, ce sont les équilibres liés à la coopération migratoire, sécuritaire et consulaire qui sont aujourd’hui menacés. Jean-Noël Barrot l’a rappelé mardi matin sur France Inter : malgré les « différends », l’Algérie doit continuer à respecter ses engagements, notamment en matière d’obligations de quitter le territoire (OQTF).
Le CREA annule sa visite en France et sa réunion avec le MEDEF
Le Conseil du Renouveau Économique Algérien (CREA) a annoncé l'annulation de sa visite prévue en France. Cette décision inclut également la suspension de la réunion prévue avec le Mouvement des Entreprises de France (MEDEF). En cause : une mesure prise par les autorités françaises, jugée « incohérente » et « contre-productive » par l'organisation patronale algérienne.
Une mesure qui met le feu aux poudres
Dans un communiqué publié mardi, le CREA explique que cette annulation intervient à la suite d’un épisode jugé problématique. Les autorités françaises auraient « fortement déconseillé » à un chef d’entreprise français, actif dans le secteur du transport maritime, de se rendre en Algérie dans le cadre d’un projet d’investissement.
Selon l’organisation algérienne, ce geste est interprété comme un frein direct à une initiative économique privée. Une posture difficile à comprendre, d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un contexte diplomatique officiellement orienté vers l’apaisement.
« Cette annulation provoquée et justifiée par les autorités françaises au motif de la ‘crise entre les deux pays’, contredit les déclarations officielles appelant à l'apaisement et à la normalisation des relations algéro-françaises », regrette le CREA.
Un message jugé incohérent
L’organisation déplore surtout un double discours de la part de la France. Elle pointe du doigt une contradiction entre les préoccupations exprimées par Paris sur la faible participation des entreprises françaises aux marchés algériens, et les obstacles posés à certaines initiatives d'investissement.
« Il est paradoxal que les mêmes autorités françaises, qui expriment des préoccupations quant à la participation limitée des entreprises françaises aux appels d'offres internationaux en Algérie, prennent des mesures qui entravent les initiatives d'investissement privés », dénonce le communiqué.
Pour le CREA, ces « signaux négatifs » rendent inopportune toute tentative de dialogue à court terme. Par conséquent, la délégation économique ne fera pas le déplacement en France, et la rencontre avec le MEDEF est annulée.
Dialogue suspendu et avenir incertain
Si la France espère toujours renouer un dialogue « franc, lucide et exigeant », les conditions semblent pour l’instant peu réunies. Le climat de suspicion, la médiatisation de l’affaire Amir DZ et les décisions brutales prises de part et d’autre rendent toute désescalade improbable à court terme.