Complot contre l’État : des peines allant jusqu’à 66 ans de prison pour des figures de l’opposition en Tunisie !
La cinquième chambre criminelle antiterroriste de Tunis a condamné une quarantaine de personnalités politiques, avocats et hommes d’affaires dans un procès qualifié par plusieurs défenseurs comme « une parodie de justice ».
Publié : 21 avril 2025 à 10h09 par La rédaction
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Dans la nuit du vendredi 18 au samedi 19 avril 2025, le tribunal de première instance de Tunis a rendu son verdict dans une affaire hautement sensible : celle du prétendu complot contre la sûreté de l’État.
À l’issue de ce procès d’ampleur inédite, une quarantaine de personnes ont été lourdement condamnées, certaines à des peines allant jusqu’à 66 ans de prison. La majorité des accusés sont des figures connues de la vie politique tunisienne, des militants ou encore des chefs d’entreprise influents.
Des accusations très lourdes
Les chefs d’accusation formulés par la chambre spécialisée dans les affaires de terrorisme sont multiples : atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’État, formation d’un groupe terroriste, tentative de renverser le régime, incitation au soulèvement armé, actes visant à provoquer des troubles et des violences, meurtres et pillages, mais aussi atteintes à la sécurité alimentaire et à l’environnement.
Certaines peines sont particulièrement sévères : Kamel Letaïef, homme d’affaires proche des cercles de pouvoir sous l’ancien régime, a écopé de 66 ans de prison. D'autres personnalités politiques comme Kahyam Turki (48 ans), Noureddine Bhiri (43 ans), ou Bochra Belhadj Hmida (33 ans) figurent également parmi les condamnés.
Un procès vivement contesté
La procédure judiciaire, marquée par l’absence de réquisitoire et de plaidoiries lors de la dernière audience, a été largement critiquée par les avocats de la défense. « Une mascarade », ont-ils dénoncé à la sortie du tribunal. L’audience s’est déroulée à huis clos, sans la présence de journalistes ou d’observateurs étrangers, contrairement aux sessions précédentes. L’ambiance était tendue, et la salle placée sous haute surveillance.
L’avocate Haifa Chebbi, dont le père, l’opposant Ahmed Néjib Chebbi, figure parmi les condamnés à 18 ans de prison, a exprimé sa profonde inquiétude : « C’est un verdict préparé à l’avance, sans surprise. Je suis triste pour la justice en Tunisie et l’état des libertés. »
Des condamnés en exil ou en détention provisoire
Parmi les personnes jugées, certaines se trouvent à l’étranger, comme Kamel Jendoubi, qui a fustigé dans un communiqué « un assassinat judiciaire ». D’après lui, ce procès n’était rien d’autre que l’exécution « d’un ordre politique », orchestré selon ses mots par « des juges aux ordres » et une ministre de la Justice « instrumentalisée par un pouvoir autoritaire ».
Trois accusés – Ryadh Chouaïbi, Kamel Jendoubi et Noureddine Ben Ticha – ont été exclus du verdict en raison de recours en cassation encore en cours. Pour les autres, les jugements sont considérés comme immédiatement exécutoires, notamment pour ceux en fuite.
Un procès à portée politique ?
L'affaire intervient dans un contexte marqué par le durcissement du pouvoir depuis que le président Kaïs Saïed a pris les pleins pouvoirs en juillet 2021. De nombreuses voix, en Tunisie comme à l’étranger, dénoncent depuis une dérive autoritaire, avec des arrestations en série de responsables politiques, avocats, journalistes et militants.
Selon les défenseurs des droits, cette vague répressive s’est accélérée avec l’adoption d’un décret criminalisant la diffusion de « fausses informations », considéré par plusieurs ONG comme une menace directe à la liberté d’expression.
La réaction de l’entreprise Unimed
Dans un communiqué officiel, les Laboratoires Unimed ont réagi à la condamnation de leur fondateur, Ridha Charfeddine, à 16 ans de prison. L’entreprise rappelle qu’il s’agit d’un jugement de première instance et que la procédure prévoit une suspension de l’exécution en cas d’appel. Elle insiste sur le fait que Charfeddine a toujours comparu libre à toutes les audiences et affirme sa « confiance dans l’impartialité de la justice tunisienne », tout en demandant des garanties pour un procès équitable.
Pour mémoire, Ridha Charfeddine, également ancien président de l’Étoile Sportive du Sahel, avait été libéré sous caution en septembre 2024 dans une affaire distincte liée à des infractions financières.