"30 années de service pour se voir reprocher son nom" : consternation de médecins dans l’Oise après un tweet raciste d’un ex-candidat Reconquête !

Après la publication d’un tweet à caractère discriminatoire par Guillaume Bensoussan, ex-candidat Reconquête, élus locaux et soignants dénoncent une attaque grave et inacceptable. Une plainte est envisagée.

Publié : 22 avril 2025 à 14h30 par La rédaction

Guillaume Bensoussan
Crédit : Guillaume Bensoussan - Facebook

Une plaque de noms. Treize médecins. Et un commentaire polémique. Depuis le 18 avril, la photo publiée par Guillaume Bensoussan, ancien candidat Reconquête aux élections législatives, provoque une onde de choc dans l’Oise.

En ciblant des praticiens de l’antenne beauvaisienne d’Urgences Médecins Oise (UMO), pour leurs patronymes à consonance maghrébine, il relance de manière brutale la théorie conspirationniste du « Grand Remplacement ».

Le message, rapidement viral, frôle les 16 millions de vues sur X (ex-Twitter). Ce qui n’était qu’une provocation numérique devient, en quelques heures, une affaire d’État dans le monde médical et politique local.

Une attaque raciste assumée

Dans son message, Guillaume Bensoussan accompagne la photo d’une plaque professionnelle affichant les noms de plusieurs médecins généralistes d’une mention explicite à la théorie du « Grand Remplacement », qualifiant ce moment de « épisode XXXVIII ».

Son objectif : souligner que tous ces médecins ont des noms d’origine arabe, et suggérer ainsi une transformation « visible » de la société française. Une posture qu’il revendique sans détour auprès du Courrier Picard, affirmant qu’il s’agit, selon lui, d’une « réalité factuelle ». Une rhétorique qui, pour beaucoup, frôle la liste de noms à l’ancienne, dans un contexte où les souvenirs des heures sombres de l’Histoire ne sont jamais loin.

Des médecins outrés et désemparés

Les principaux concernés, eux, oscillent entre colère et incompréhension. Parmi eux, le docteur Haïssam Chaker, dirigeant de l’UMO à Beauvais, se dit « choqué ». Il rappelle que tous ces médecins sont diplômés d’universités françaises, membres de l’Ordre des médecins et engagés depuis des années dans leur territoire.

« Nous sommes médecins. Pas militants. Nous soignons tout le monde », insiste-t-il. Depuis l’ouverture du centre de Beauvais, l’équipe aurait pris en charge plus de 170 000 patients.

« Trente années de service pour se voir reprocher son nom, c’est insupportable », déplore-t-il. Une plainte est en cours de réflexion, et l’Ordre des médecins a été saisi pour avis.

Une vague de soutien unanime

Du côté des élus, la réaction est immédiate. À Creil, Beauvais, Nogent-sur-Oise ou encore Compiègne, les voix s’élèvent contre ce qu’ils qualifient de « racisme décomplexé ». Le maire de Beauvais, Franck Pia, rend hommage à ces professionnels qui luttent contre la désertification médicale, « y compris en zone rurale ». Il dénonce un tweet « abject » à l’encontre de femmes et d’hommes qui, au quotidien, maintiennent un accès aux soins dans des secteurs déjà fragilisés.

Même son de cloche du côté de Sophie Dhoury Lehner : « Le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit », rappelle l’élue, avant de saluer la réussite de ces médecins « issus de la jeunesse creilloise » et « formés dans nos universités ».

Des comparaisons historiques glaçantes

Patrick Gautier, figure locale, fait une analogie marquante. Pour lui, afficher ainsi des noms à consonance étrangère rappelle tristement les listes antisémites des années 1940. « En 1940, c’étaient des noms juifs. Aujourd’hui, ce sont des noms arabes », souligne-t-il. Une référence lourde de sens, à l’heure où l’extrême droite tente de lisser son image sans jamais renoncer à certains de ses marqueurs idéologiques.

Un contexte politique sous tension

L’affaire intervient alors que le débat autour de l’article 3 de la loi immigration fait rage. Ce texte, porté par Gérald Darmanin, prévoit un titre de séjour spécifique pour les professions en tension, dont les métiers de la santé. Un sujet sensible dans le pays confronté à un grave déficit de médecins, notamment en zones rurales.

Selon les chiffres du ministère de la Santé, près de 3 800 praticiens diplômés hors Union européenne ont été admis aux épreuves de vérification des connaissances en 2024. Une augmentation de 50% par rapport à l’année précédente. La contribution de ces médecins à l’offre de soins est considérable : près de 30 000 exercent aujourd’hui sur le territoire, selon l’IRDES. Parmi eux, 37,4% sont originaires d’Algérie, 10,4 % de Tunisie et 9,5% de Syrie.

« Une attaque contre la République »

Loubina Fazal, adjointe à la santé à Creil, rappelle avec force : « Chaque nom sur cette plaque, c’est des années d’études, de garde, de sacrifices. » Et d’ajouter : « Ils ont fait le choix de rester ici, là où ils ont grandi. Ce sont des piliers de notre système de santé local. »

Même au sein de l’opposition municipale, la condamnation est ferme. « Ce tweet ne fait qu’attiser la haine », déclare Sylvie Duchatelle. « En 2020, on les applaudissait pendant le Covid. Aujourd’hui, on les montre du doigt ? »

Le malaise sociétal comme terreau de l'extrémisme

Djamal Benkherouf, acteur de la vie politique locale, propose une lecture plus globale. Pour lui, le succès des idées radicales trouve racine dans un climat d’anxiété sociale, de sentiment d’abandon et de besoin de boucs émissaires. Il plaide pour un dialogue apaisé, des politiques publiques inclusives et un retour au débat de fond.

Ne pas céder à la haine

L’affaire Guillaume Bensoussan révèle une fracture toujours présente dans la société  : celle qui oppose l’universalisme républicain à une vision identitaire et excluante. Mais dans l’Oise, au-delà des clivages partisans, les voix se sont unies pour défendre des médecins qui soignent sans distinction.

Ces praticiens sont aujourd’hui les visages visibles d’un combat plus large : celui contre le racisme ordinaire, contre la stigmatisation, et pour une société où chacun, quel que soit son nom, peut exercer dignement son métier.

Les médecins, eux, poursuivent leur mission. Et leurs patients, les premiers concernés, semblent l’avoir bien compris : « Il ne faut pas se tromper de cible. »