Le vivre-ensemble à l’épreuve des discriminations quotidiennes en France !
Près d’un Français sur cinq déclare avoir été victime de discrimination. Dans l’emploi, le logement, l’école ou face à la police, ces injustices quotidiennes fragilisent l’égalité et nourrissent un sentiment d’exclusion grandissant.
Publié : 19 août 2025 à 22h00 par La Rédaction
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Le vivre-ensemble se heurte encore aux discriminations. Trouver un emploi, accéder à un logement, passer un entretien ou simplement croiser la police reste un parcours inégal pour de nombreux Français. Ces injustices minent la confiance dans la République. « Les discriminations et les stéréotypes, notamment dans le travail, continuent à briser des confiances et des destins », constatait récemment la Première ministre Élisabeth Borne, rappelant qu’« il est inacceptable qu’une personne puisse se sentir en danger en raison de sa religion, de son origine ou de la couleur de sa peau ».
Un phénomène massif et persistant
Les enquêtes confirment l’ampleur du problème. Selon l’étude Trajectoires et Origines 2 de l’Ined/Insee, près d’une personne sur cinq âgée de 18 à 49 ans a déclaré en 2019-2020 avoir subi une discrimination, en hausse par rapport à dix ans plus tôt. En Seine-Saint-Denis, 66 % des habitants estiment avoir été discriminés ces cinq dernières années, en forte progression. Plus d’un tiers disent l’avoir vécu personnellement, souvent en raison de l’origine ou de l’adresse.
Le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) a publié un constat encore plus alarmant : 91 % des personnes noires en métropole se déclarent victimes de discriminations, 85 % en lien avec la couleur de peau. « Le caractère absolu et général du phénomène est frappant », déplore son fondateur Patrick Lozès, évoquant une parole raciste de plus en plus décomplexée en ligne et dans l’espace public.
Les chiffres officiels vont dans le même sens : près de 15 000 infractions racistes, xénophobes ou antireligieuses ont été enregistrées par les forces de l’ordre en 2023, dont 8 500 crimes et délits et 6 400 contraventions. Soit une hausse de 32 % en un an. Mais ces statistiques restent partielles : en 2021, environ 800 000 personnes majeures ont déclaré avoir subi une atteinte raciste, seules 4 % ont porté plainte selon le ministère de l’Intérieur. Pour la Défenseure des droits, Claire Hédon, ce « non-recours » traduit un inquiétant renoncement à la promesse républicaine d’égalité, comme elle l’explique sur vie-publique.fr.
Discriminations à l’embauche, au logement, dans la rue ou à l’école
L’accès à l’emploi est l’un des terrains les plus révélateurs. Des études par testing montrent qu’un prénom maghrébin ou africain sur un CV réduit fortement les chances d’obtenir un entretien, tout comme le fait d’habiter une banlieue dite « sensible ». La loi avait pourtant prévu en 2006 le CV anonyme, mais sa mise en œuvre est restée facultative depuis 2015. Selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme, ces biais persistent bien au-delà du recrutement, ralentissant la carrière et limitant l’accès aux postes de responsabilité pour les minorités.
Le secteur du logement n’est pas épargné. Des opérations de testing menées par SOS Racisme montrent que des candidats portant un nom à consonance maghrébine se voient régulièrement refuser un logement disponible pour d’autres. L’adresse constitue aussi un stigmate : habiter une cité populaire ou la Seine-Saint-Denis entraîne des refus implicites. Ces pratiques renforcent la ségrégation urbaine et enferment les habitants des quartiers populaires dans les mêmes territoires.
Dans l’espace public, les contrôles d’identité au faciès ciblent encore prioritairement les jeunes hommes noirs ou arabes. En 2023, le Conseil d’État a reconnu que ces pratiques ne relevaient pas de simples cas isolés mais d’une problématique systémique. En juin 2025, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour un contrôle jugé discriminatoire à Besançon, confirmant « l’existence de pratiques discriminatoires observées de longue date ». La Défenseure des droits appelle depuis à « sortir de l’inertie actuelle » et à appliquer ses recommandations. Un rapport de la Cour des comptes a révélé que 47 millions de contrôles d’identité avaient été effectués en 2021, dont 15 millions routiers, pointant l’absence de suivi statistique et la formation insuffisante des forces de l’ordre.
Le monde éducatif n’est pas épargné. À l’école ou au lycée, des élèves issus de l’immigration ou de milieux défavorisés subissent moqueries racistes, traitements différenciés ou orientations biaisées. Des études montrent qu’à résultats égaux, un élève au nom maghrébin ou vivant en zone prioritaire est plus souvent dirigé vers une filière professionnelle. Le faible taux de diversité dans les classes préparatoires et grandes écoles illustre ces inégalités persistantes. Le ministère de l’Éducation encourage désormais des programmes comme les Cordées de la réussite ou les internats d’excellence, et multiplie les interventions pédagogiques contre les préjugés. Mais « l’école de la République » peine encore à être ce creuset d’égalité, et ces discriminations marquent durablement la confiance des jeunes envers les institutions.
Chômage, pauvreté et ghettoïsation : des causes structurelles
Les discriminations s’inscrivent dans un contexte d’inégalités sociales et territoriales. Les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) regroupent 5,4 millions d’habitants, souvent jeunes et issus de l’immigration. Le chômage y atteint 18,3 % en 2022, soit 2,4 fois plus qu’ailleurs. Chez les moins de 30 ans, il frôle 26 %, contre 13,5 % dans les autres zones.
Ces écarts ne s’expliquent pas uniquement par un niveau de qualification plus faible. À diplôme égal, les habitants des QPV sont défavorisés : 25 % des actifs non diplômés y sont au chômage (contre 12 % ailleurs), et même les diplômés bac+2 ou plus subissent un taux de chômage double (11,1 % contre 5 %). Les obstacles tiennent aussi au manque de réseaux professionnels, à la distance géographique des bassins d’emploi et à des restrictions légales : près de 5 millions d’emplois publics ou privés restent interdits aux non-ressortissants de l’UE.
Les discriminations directes à l’embauche aggravent la situation. Le chômage touche 21,7 % des descendants d’immigrés vivant en quartiers populaires, contre 15,9 % pour les personnes sans origine migratoire, confirmant les constats du testing.
Les conséquences sociales sont lourdes. En Seine-Saint-Denis, 28 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Habitat dégradé, emplois précaires, échec scolaire et discriminations forment un cercle vicieux. Des élus et associations dénoncent une « citoyenneté de seconde zone » pour ces habitants. Quand les humiliations s’accumulent et que l’ascension sociale paraît impossible, c’est le pacte républicain lui-même qui s’effrite.
Des effets délétères sur la cohésion sociale
Chaque CV écarté, chaque contrôle abusif ou injure raciste laisse une cicatrice individuelle et nourrit une colère collective. Ces expériences partagées forgent un sentiment d’injustice au sein de communautés entières, renforçant la défiance envers les institutions. Comment croire en l’égalité des chances quand on vit au quotidien le « deux poids, deux mesures » ?
Le sociologue Vincent Tiberj alertait déjà en 2013 : la France risque de se diviser en une société de la confiance pour certains et de la méfiance pour d’autres. En 2023, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a mesuré une baisse de l’indice de tolérance, passé de 65 à 62 sur 100 en un an, signe d’un recul des attitudes ouvertes envers les minorités.
Les violences urbaines en témoignent. Des émeutes de 2005 à Clichy-sous-Bois jusqu’à celles de 2023 après la mort de Nahel à Nanterre, chaque flambée de colère trouve son terreau dans le ressentiment accumulé face aux discriminations.
La Défenseure des droits, Claire Hédon, appelle à « un sursaut collectif face aux ruptures de droits ». Faute d’action, le risque est de voir s’élargir le fossé entre une partie de la population et le reste du pays, un fossé d’« incompréhension, de rancœur voire de séparatisme intérieur », comme le souligne le Défenseur des droits. À l’inverse, lutter résolument contre les discriminations permet de préserver la cohésion sociale et de garantir à chacun sa place dans la communauté nationale.
Prises de position politiques et plans d’action
Face à l’ampleur du problème, le gouvernement a affiché une volonté de fermeté. En janvier 2023, Élisabeth Borne a présenté le Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine (2023-2026). Ce programme mobilise tous les ministères autour d’actions concrètes : éducation à la diversité, renforcement du testing dans les recrutements, facilitation des dépôts de plaintes, caméras-piétons pour les policiers, soutien aux associations de terrain et création d’un comité de suivi associant pouvoirs publics et société civile.
Une proposition de loi a été déposée pour généraliser le testing anti-discrimination, notamment dans l’emploi et le logement. Dans ce cadre, Aurore Bergé a annoncé en mai 2025 le lancement d’une vaste campagne nationale de testing sur l’accès à l’emploi, pilotée par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme. Parallèlement, la plateforme téléphonique 3928, gérée par le Défenseur des droits, a vu ses appels augmenter de 25 % en 2023, signe que de plus en plus de victimes osent demander de l’aide. La Défenseure des droits a aussi plaidé pour faciliter les actions de groupe contre les discriminations.
Les discours politiques, eux, oscillent entre reconnaissance et prudence. Emmanuel Macron a admis en 2020 qu’il fallait « lutter contre le racisme et les discriminations dans la police et ailleurs ».
La société civile reste un moteur essentiel. Des associations comme SOS Racisme, la LICRA, et le Mrap documentent les discriminations et accompagnent les victimes. La Commission nationale consultative des droits de l'homme, à travers son rapport annuel, a rappelé en 2024 la nécessité de « redoubler d’efforts pour promouvoir la tolérance ». Cette alliance entre acteurs associatifs, institutionnels et chercheurs forme un front commun, qui pousse la République à passer des intentions aux actes.
Des initiatives qui recréent du lien et favorisent le vivre-ensemble
Face aux discriminations, de nombreuses initiatives locales et nationales retissent du lien social.
Dans l’entreprise, l’association Nos Quartiers ont des Talents (NQT) accompagne depuis 2006 les jeunes diplômés de banlieue grâce à un dispositif de mentorat avec plus de 15 000 cadres bénévoles. Plus de 100 000 jeunes ont déjà bénéficié de ce coup de pouce vers l’emploi. La Charte de la diversité, signée par des centaines d’entreprises, vise également à promouvoir le recrutement inclusif et la formation au management de la diversité.
Dans les quartiers, des associations comme Ghett’up sensibilisent les jeunes aux enjeux sociaux et environnementaux, tandis que Rêv’Elles soutient les filles issues des milieux populaires dans leur orientation scolaire et professionnelle. À Vaulx-en-Velin ou à Roubaix, des « repas du vivre-ensemble » organisés avec les municipalités rassemblent chaque année habitants de toutes origines autour d’une même table.
Les médias jouent aussi un rôle majeur. Beur FM donne la parole aux Français issus de l’immigration maghrébine et met en avant réussites et débats citoyens. Le Bondy Blog, média né en 2005, publie des reportages de jeunes journalistes des quartiers, offrant un autre regard sur la banlieue et déconstruisant les clichés.
Dans l’éducation, la Semaine d’éducation contre le racisme et l’antisémitisme mobilise chaque année écoles et lycées autour d’ateliers, expositions et débats. Hors temps scolaire, la Ligue de l’enseignement ou France Terre d’Asile mènent des actions de sensibilisation dans les centres de loisirs.
Les collectivités locales innovent également. En 2019, la Seine-Saint-Denis a créé un Observatoire départemental des discriminations, avec un baromètre annuel du ressenti des habitants. Certaines villes mettent en place des conseils citoyens anti-discrimination pour garantir l’accès égal aux services municipaux. Des événements culturels et sportifs – comme la Nuit du ramadan, des tournois de football interquartiers ou les festivals « Mémoires croisées » – rassemblent habitants et institutions autour de moments festifs et inclusifs.
Vers une société plus équitable et fraternelle
En 2025, les discriminations restent une réalité tenace. Pourtant, les mentalités évoluent : plus de trois quarts des Français jugent « nécessaire de lutter avec la plus grande énergie contre le racisme » selon la CNCDH. La part de personnes se déclarant « plutôt racistes » est tombée à 2 % en 2023, contre plus de 10 % en 2003. Les jeunes générations portent davantage les valeurs d’inclusion.
« Aimer la France, être un patriote, c’est combattre toutes les haines et traquer toutes les discriminations », a affirmé Élisabeth Borne sur vie-publique.fr. Cet engagement est partagé par de plus en plus d’acteurs de terrain, convaincus que la promesse républicaine d’égalité et de fraternité doit redevenir une réalité. Comme le rappelle la Déclaration des droits de l’Homme, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » : plus de deux siècles après, ce principe continue de guider le combat pour une société plus juste et inclusive.
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