Le Sénat appelle Paris à rétablir la confiance avec le Maghreb sur les visas français !
Selon un rapport du Sénat, la délivrance des visas reste une mission sous tension pour la France. Malgré une reprise spectaculaire des demandes après la crise sanitaire, les consulats français au Maghreb peinent à suivre le rythme. L’Algérie, la Tunisie et le Maroc figurent parmi les dix pays les plus touchés, avec des taux de refus particulièrement élevés.
Publié : 8 octobre 2025 à 2h35 par La Rédaction
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Un système à bout de souffle ? Sous la double tutelle du ministère de l’Intérieur et du Quai d’Orsay, la politique française des visas poursuit trois objectifs : la sécurité, la maîtrise migratoire et l’attractivité. Mais ce pilotage « bicéphale » engendre parfois des injonctions contradictoires, notamment dans les consulats d’Afrique du Nord.
Le rapport des sénateurs Nathalie Goulet et Rémi Féraud souligne que les agents français au Maroc et en Algérie ont dû, en quelques mois, revoir totalement leurs critères d’examen à la suite de la crise diplomatique de 2022, marquée par une réduction drastique du nombre de visas accordés.
Le rapport mentionne également que les recettes liées aux visas ont atteint 261 millions d’euros en 2024, pour environ 64 millions d’euros de dépenses de personnel, selon les données du document. Ces chiffres témoignent du poids budgétaire et stratégique de cette mission consulaire.
Le Maghreb, zone la plus exposée
La France a enregistré 3,4 millions de demandes de visas en 2024, dont une part importante provenant du Maghreb. Les chiffres sont éloquents : 34,8 % de refus pour l’Algérie, 21,2 % pour la Tunisie et 12,5 % pour le Maroc
Ces trois pays figurent parmi les dix principales nationalités demandeuses, avec 283 000 visas délivrés aux Marocains, 250 000 aux Algériens et 108 000 aux Tunisiens en 2024. Les sénateurs rappellent que ces États concentrent « une forte proportion de visas de long séjour », liés aux liens familiaux et étudiants avec la France.
La demande y connaît un rebond spectaculaire depuis la fin des restrictions sanitaires. Mais cette reprise s’accompagne de délai d’attente rallongés et d’un mécontentement croissant des usagers. Les consulats de Rabat et Casablanca font face à une moyenne de 80 dossiers par instructeur et par jour, selon le rapport.
Les rapporteurs rappellent que la politique française des visas repose sur une triple contrainte : « efficacité, sécurité, attractivité », qui structure toute la troisième partie du rapport.
Entre externalisation et dérives
Pour faire face à la masse des demandes, la France a délégué la réception des dossiers à des prestataires extérieurs, désormais présents dans 147 centres à travers le monde. Ces sociétés traitent 90 % des demandes et emploient plus de 2 000 agents, notamment à Alger, Tunis et Casablanca.
Une pratique jugée « neutre pour les finances publiques », mais qui engendre des effets pervers. Dans plusieurs pays, des officines locales accaparent les créneaux de rendez-vous pour les revendre illégalement aux candidats au visa, alimentant un marché noir parallèle.
Les sénateurs demandent de « généraliser l’attribution automatique des plages de rendez-vous pour limiter les détournements de procédure », une mesure devenue urgente pour les consulats du Maghreb.
Fraudes et contentieux en hausse
Autre alerte du rapport : la multiplication des fraudes et des recours judiciaires. Le nombre de condamnations de l’État français liées aux refus de visas a augmenté de 292 % entre 2017 et 2024, atteignant 2 447 décisions cette année-là.
Les rapporteurs estiment nécessaire de clarifier la répartition des compétences entre les ministères, le Quai d’Orsay gérant le paiement des frais alors que l’Intérieur suit les contentieux.
Attirer sans exclure
Dans un contexte de concurrence accrue entre États européens, la France tente de redéfinir une « doctrine d’attractivité ». Les postes consulaires sont désormais invités à accélérer les dossiers des « publics cibles » : étudiants, chercheurs et entrepreneurs.
Mais cette politique demeure fragile. Le rapport invite Paris à « renforcer la communication sur la délivrance des visas » et à adopter « une posture transparente sur la sélectivité des procédures ».
Les sénateurs rappellent aussi l’importance du Comité stratégique migrations (CSM), créé en 2022 pour coordonner les actions du ministère de l’Intérieur et du Quai d’Orsay, afin d’éviter les contradictions dans la politique des visas.
Le Maghreb au cœur des tensions diplomatiques
Le rapport souligne enfin que la crise des visas franco-maghrébine a profondément marqué les agents consulaires et les opinions publiques. Si la situation s’est apaisée, le souvenir des restrictions reste vif.
La France reste pourtant la première destination Schengen pour les ressortissants du Maghreb. Le Sénat appelle donc à un équilibre entre sécurité et ouverture, rappelant que la délivrance des visas est aussi « un outil d’influence et de rayonnement » au service de la diplomatie française.
Des consulats sous tension
Les sénateurs Nathalie Goulet et Rémi Féraud dressent un constat sans appel : la machine consulaire française est saturée, notamment dans les pays où la demande explose, comme en Algérie, au Maroc et en Tunisie.
Pour eux, la délivrance des visas doit sortir de la logique d’urgence et s’inscrire dans une stratégie durable. Le rapport recommande de « poursuivre la démarche de regroupement de l’instruction des visas » afin d’atteindre un seuil critique d’effectifs dans les consulats et d’assurer une réponse plus homogène aux demandeurs.
À Rabat et Alger, cette centralisation pourrait se traduire par une réorganisation régionale, capable d’absorber les pics de demandes estivales et de raccourcir les délais, qui s’étendent parfois sur plusieurs semaines.
Mieux encadrer les prestataires et la lutte contre les officines
Autre chantier prioritaire : la lutte contre les réseaux informels qui vendent illégalement des rendez-vous de dépôt de dossier. Ces pratiques, fréquentes au Maghreb, minent la crédibilité du système.
Les rapporteurs appellent à « généraliser l’attribution automatique des plages de rendez-vous », pour mettre fin à la mainmise des officines sur les plateformes consulaires
Cette mesure, si elle est appliquée, permettrait de rétablir la confiance des demandeurs, souvent contraints de payer plusieurs centaines d’euros pour obtenir un simple créneau.
Digitaliser sans exclure
Le Sénat insiste aussi sur la nécessité d’achever la dématérialisation complète du processus de demande, encore inachevée malgré la mise en place de la plateforme France Visas.
Mais dans les pays du Maghreb, où l’accès au numérique reste inégal, cette modernisation doit être pensée de façon inclusive. Les sénateurs préconisent de former les agents consulaires et d’adapter les procédures pour éviter que les nouvelles technologies ne deviennent un obstacle supplémentaire.
Revoir le pilotage politique
Le rapport pointe un problème structurel : la double tutelle entre le ministère de l’Intérieur et le Quai d’Orsay.
Les sénateurs recommandent de renforcer la coordination interministérielle, notamment via le Comité stratégique migrations, afin d’éviter les contradictions entre politiques sécuritaires et diplomatiques.
Car, comme le rappelle le document, les consulats du Maghreb ont été les premiers à subir les décisions de réduction de visas en 2022, puis les injonctions inverses de reprise rapide des délivrances l’année suivante.
Cette oscillation constante nuit à la lisibilité de la politique française et entretient un climat de défiance.
Les rapporteurs soulignent également que le Sénat demande d’« adapter les délais de délivrance des visas aux calendriers universitaires », notamment pour les étudiants maghrébins inscrits via la plateforme Études en France
L’enjeu des étudiants et des talents
Les rapporteurs insistent sur la nécessité de revoir le traitement des visas étudiants, essentiels pour l’influence de la France au Maghreb.
Ils recommandent d’adapter les délais de délivrance des visas aux calendriers universitaires et de simplifier les démarches sur la plateforme Études en France.
Le Sénat propose d’« accélérer la mise en œuvre des recommandations du rapport Hermelin », en ciblant davantage les publics cibles : étudiants, chercheurs, professionnels hautement qualifiés et porteurs de projets innovants.
Pour les jeunes diplômés du Maghreb, cette orientation représente une opportunité. Mais elle suppose, selon les sénateurs, une communication plus claire sur les critères d’éligibilité et les priorités de la France.
Vers une nouvelle doctrine des visas ?
Entre contraintes sécuritaires, exigences budgétaires et pressions diplomatiques, la France cherche encore son équilibre.
Mais pour les rapporteurs, une chose est claire : la politique des visas doit redevenir un instrument d’influence et non de rupture.
L’enjeu dépasse les chiffres. Il s’agit de reconstruire un lien de confiance avec des pays qui, historiquement, représentent le cœur des échanges humains, économiques et culturels entre les deux rives de la Méditerranée.
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