Cartes de séjour : la fragilité d’une existence pourtant bien installée !
Amnesty International alerte sur la précarité administrative imposée à des milliers de travailleurs et travailleuses étrangers vivant en France parfois depuis plusieurs décennies. Titres de séjour courts, démarches dématérialisées inaccessibles, dépendance aux employeurs : un système qui fabrique l’irrégularité et plonge des vies dans la peur et l’exploitation.
Publié : 7 novembre 2025 à 19h03 par La Rédaction
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Elles gardent nos enfants, s’occupent de nos parents âgés, préparent nos repas, construisent nos logements. Elles vivent ici, travaillent ici, et pourtant, leur quotidien repose sur un document qui peut s’effondrer à tout moment : le titre de séjour.
Le rapport d’Amnesty International « À la merci d’un papier » met en lumière un mécanisme silencieux mais implacable : en France, l’accès au séjour stable se resserre depuis des années, plongeant des hommes et des femmes pourtant installés durablement dans une insécurité administrative permanente.
Une précarité qui ne relève pas du hasard
Selon Amnesty International, cette fragilité n’est pas accidentelle. Elle résulte d’un système complexe, modifié sans cesse par les pouvoirs publics, qui rend l’accès au séjour stable de plus en plus difficile.
Ces personnes vivent en France depuis cinq, dix, parfois trente ans. Elles ont travaillé, payé des cotisations, élevé des enfants. Il suffit pourtant d’un retard de préfecture pour que tout s’arrête : plus d’emploi, plus de droits sociaux, plus de sécurité. « Du jour au lendemain, leur vie a basculé dans l’irrégularité », rappelle l’organisation.
Beaucoup ont déposé leurs demandes de renouvellement dans les délais. Mais tant que la nouvelle carte n’est pas délivrée, l’ancien document expire. Et sans titre, impossible de travailler : la perte d’emploi arrive vite, suivie parfois de l’expulsion du logement ou d’un basculement dans la pauvreté.
Des lois qui s’empilent et rendent le système illisible
Amnesty International souligne que, depuis les années 2000, les réformes du droit au séjour se sont accumulées, créant un ensemble instable, difficilement compréhensible même pour les professionnels.
Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) a été modifié près d’une centaine de fois depuis sa création. Résultat : une administration devenue un labyrinthe où chaque démarche se traduit par des mois d’attente, des formulaires, des justificatifs, parfois différents d’un département à l’autre.
Cette complexité a une conséquence directe : elle fabrique de la précarité. Lorsque la stabilité du séjour recule, les individus restent piégés dans des renouvellements à répétition, sans jamais pouvoir se projeter.
La fin des cartes longues : l’instabilité comme horizon
L’accès aux cartes de résident de dix ans est devenu rare pour les travailleurs étrangers non-européens. À la place, les préfectures délivrent souvent des titres d’un an ou deux.
Ces cartes courtes doivent être renouvelées sans arrêt, à un coût élevé : 225 euros par renouvellement. Amnesty rappelle qu’en 2017, cette taxe a rapporté 193 millions d’euros à l’État, sans aucun retour d’accompagnement pour les personnes concernées.
Certaines cartes arrivent même après leur date d’expiration, obligeant les titulaires à recommencer aussitôt les démarches. Leur vie est alors faite de files d’attente numériques, de demandes de justificatifs, d’incertitude.
Un “mur numérique” qui exclut
La dématérialisation des démarches, via la plateforme ANEF, a fermé les portes des préfectures. Sans rendez-vous en ligne, plus d’accès.
Mais ces rendez-vous disparaissent instantanément. Des files d’attente virtuelles interminables se créent. Et un marché noir est apparu, où des créneaux se revendent à prix fort.
Amnesty rapporte ce témoignage : « Je vais perdre mon travail si je n’ai pas ma carte », confie Hicham, intérimaire dans le bâtiment. Son récépissé expire. Sans rendez-vous, il ne peut pas en obtenir un autre. Sans récépissé, il ne peut plus travailler. Tout bascule.
Une précarité organisée : la responsabilité de l’État
Le rapport d’Amnesty International est clair : la précarité que vivent ces femmes et ces hommes n’est pas un accident. Elle est le résultat de choix politiques répétés.
Lois plus restrictives. Accès de plus en plus difficile aux cartes longues. Démarches entièrement numérisées qui laissent des milliers de personnes devant un écran bloqué. Dépendance administrative vis-à-vis de l’employeur.
Ces mécanismes se renforcent les uns les autres. Ils transforment des personnes en vie stable en personnes en situation irrégulière. Pas parce qu’elles ne remplissent pas les conditions. Mais parce qu’un retard, une erreur ou un rendez-vous impossible à obtenir suffit à faire basculer une existence.
Amnesty International parle d’un système qui «fabrique l’irrégularité». Cette fabrication n’est pas théorique. Elle se traduit par des vies suspendues à une date d’expiration. Par des carrières interrompues. Par des personnes qui cessent de soigner leur santé, de se projeter, d’élever leurs enfants dans la tranquillité.
Elle se traduit aussi par une vulnérabilité à l’exploitation : lorsqu’un contrat de travail conditionne le séjour, l’employeur devient un acteur tout-puissant. Dire non, c’est risquer de perdre son droit de vivre ici.
Ce que propose Amnesty International
Dans son rapport, Amnesty International ne se contente pas de dresser un constat. L’organisation appelle à une réforme immédiate du système, en commençant par la création d’un titre de séjour unique d’au moins quatre ans, plus simple, plus stable et moins dépendant de l’employeur. Elle a lancé une pétition intitulée « Sans ce papier, je perds tout » afin de mobiliser le public et rappeler que ces travailleurs et travailleuses occupent des emplois essentiels dans la restauration, le bâtiment, les services à la personne ou les hôpitaux.
Pour Amnesty, garantir un séjour stable, ce n’est pas « faire un geste » : c’est reconnaître une contribution réelle au pays et mettre fin à un système qui maintient des milliers de personnes dans la peur et l’épuisement.
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