Rima Hassan : "Je me refuse à avoir peur" !

Invitée de l’émission « Les Zinformés » sur Beur FM, présentée par Adile Farquane, l’eurodéputée Rima Hassan est revenue sur son engagement pour la cause palestinienne, la prochaine flottille de la liberté, et ses critiques à l’égard du gouvernement israélien comme de la politique française.

Publié : 13 juillet 2025 à 11h13 par La rédaction

Rima Hassan et Adile Farquane
Crédit : Beur FM

Figure montante du Parlement européen, elle s’est imposée depuis son élection comme l’une des voix les plus actives en faveur des droits des Palestiniens. Entre actions sur le terrain et combats institutionnels, elle poursuit un engagement résolu. Dans cet entretien, elle revient sur son passage à bord du voilier Madleen, intercepté par l’armée israélienne, et dénonce une diplomatie européenne qu’elle juge défaillante. Un témoignage à la fois politique et personnel.

« Handala partira sans moi, mais je serai là en septembre »

À peine rentrée de Strasbourg, Rima Hassan s’est exprimée ce jeudi 10 juillet au micro de Beur FM. Malgré la fatigue, elle a détaillé les prochaines étapes de son mandat… et de son engagement en mer. Un nouveau bateau humanitaire partira bientôt vers Gaza. Il portera le nom de « Handala », symbole de l’exil palestinien. Elle ne sera pas du voyage cette fois-ci, en raison d’un déplacement à Bogotá pour un sommet international avec Francesca Albanese pour aborder la situation humanitaire à Gaza. Mais elle l’annonce : « Je partirai sur le prochain, en septembre ».

Un engagement qui ne faiblit pas, malgré les risques. Interrogée sur la peur de repartir dans un bateau potentiellement intercepté par l’armée israélienne, elle répond : « Je me refuse à avoir peur. Avoir peur, c’est un cadeau qu’on ferait aux colons ». 

Loin de l’image d’une mission symbolique ou ponctuelle, Rima Hassan décrit une première expérience éprouvante. Interceptée en pleine mer par des soldats israéliens, elle raconte avoir été placée en détention, traitée avec violence, menottée aux mains et aux pieds, puis mise à l’isolement. « On nous a enlevée en zone internationale, leurs armes pointées sur nous dès leur arrivée. Une vingtaine d’heures passées avec eux à bord, puis on m’a enfermée seule, punie pour avoir écrit “Palestine” et “Gaza” sur les murs de ma cellule », confie-t-elle. La décision d’entamer une grève de la faim a, selon elle, précipité sa libération. « J’ai dit au consul : vous leur annoncez que je refuse de m’alimenter tant que je ne suis pas libérée. Le soir même, on m’a dit que je repartirai le lendemain avec les autres. »

Faire pression sur les États

Pour Rima Hassan, la flottille de la liberté n’est pas une simple mission humanitaire. Elle est un acte politique à part entière. « J’ai passé mes journées à faire de la pédagogie, à donner des interviews, à médiatiser le sens de cette action », résume-t-elle. Pendant toute la traversée, elle dit avoir travaillé main dans la main avec Greta Thunberg pour porter la symbolique de cette opération et sensibiliser l’opinion publique. « Ce n’était pas un geste isolé. On voulait parler aux consciences, rendre visible ce que vivent les Palestiniens, et montrer que la solidarité peut aussi prendre la mer. »

En parallèle, un travail de fond a été mené depuis Bruxelles. L’eurodéputée affirme avoir mobilisé plus de 230 parlementaires de toute l’Europe autour d’une tribune pour exiger des États qu’ils garantissent un passage sécurisé à la flottille. Une demande portée également par dix rapporteurs spéciaux des Nations Unies. Mais pour elle, cela ne suffit pas. « Ce que je ferai mieux, c’est mettre encore plus de pression sur les États », annonce-t-elle. Elle insiste sur la nécessité d’un engagement politique fort des gouvernements européens, trop souvent absents ou silencieux face aux violations du droit international.

Dans la prochaine mission, elle souhaite qu’au-delà des élus et des militants, les médias soient pleinement associés. « On s’assure que chaque bateau embarque au moins un ou deux journalistes. C’est important, non seulement pour la transparence, mais aussi pour témoigner, raconter, documenter. » Rima Hassan milite aussi pour que les équipages soient le reflet d’une solidarité plurielle : médecins, ingénieurs, humanitaires, personnalités politiques ou simples citoyens. « Il faut une diversité de profils, une représentativité de ceux qui croient encore en la force du droit face à la force tout court. »

Une parole politique de plus en plus suivie

Très active sur les réseaux sociaux, Rima Hassan revendique désormais plus d’un million d’abonnés. Elle le dit sans détour : « Ce qui me permet d’exister politiquement, ce sont les gens qui me soutiennent. Aujourd’hui, nos vidéos font parfois plus d’audience qu’un média traditionnel. » 

Ce levier de communication, elle le met au service d’une cause qu’elle estime trop souvent étouffée. À travers les réseaux, elle reçoit des témoignages, des images, des messages venus directement de Gaza. L’un des plus marquants reste pour elle cet échange téléphonique avec Madleen, une pêcheuse gazaouie devenue une figure emblématique de résistance. « Elle nous a dit qu’elle était honorée que le bateau porte son nom. Elle nous attendait. » 

Au-delà du symbole, Rima Hassan y voit une connexion humaine précieuse. « Gaza est enfermée depuis des années. Et après le 7 octobre, c’est devenu une prison coupée du monde. Pour eux, notre arrivée représentait une lueur d’espoir. » Grâce à cette visibilité numérique, elle espère continuer à relayer cette attente, à porter ces voix que personne n’entend.

Cessez-le-feu, État palestinien : un espoir compliqué

Sur la question du cessez-le-feu, l’eurodéputée est lucide. Pour elle, il faut d’abord interroger les intentions. Elle estime qu’Israël, sous la direction de Benyamin Netanyahou, « ne cherche pas la paix ». Elle le qualifie de « criminel de guerre » et pointe sa volonté assumée de coloniser toute la Cisjordanie et de déporter les Palestiniens de Gaza.

Elle estime que la communauté internationale, et en particulier la France, porte une responsabilité majeure. Si certains pays européens comme l’Espagne ont franchi le pas de la reconnaissance de l’État palestinien, Paris reste, selon elle, figée dans une posture attentiste : « La France est l’un des pays les plus isolés sur cette question. »

Elle reproche à Emmanuel Macron d’avoir usé d’un discours ambigu, en invoquant la diplomatie pour justifier l’inaction. « Il a fait croire qu’il gardait le silence sur les sanctions ou sur l’embargo des armes dans le but de reconnaître l’État palestinien au bon moment. Mais il n’a rien fait. » Elle dénonce ce qu’elle considère comme une « mascarade », et appelle la France à se positionner enfin, de manière claire, au nom du droit international. 

Elle conclut avec fermeté : « On n’attend pas d’un président qu’il aime les Palestiniens. On lui demande de respecter le droit international. C’est inscrit dans notre Constitution. » Pour Rima Hassan, la France rate l’occasion d’envoyer un signal clair, celui de refuser l’effacement d’un peuple.

Les critiques contre l’antisémitisme et le soutien au Hamas

Interrogée sur les accusations d’antisémitisme qui circulent à son encontre, Rima Hassan se veut claire : « L’antisémitisme est un délit. Je ne vais pas passer mon temps à me justifier ». Même réponse lorsqu’on l’accuse d’être proche du Hamas : « Ce sont des raccourcis idéologiques. Mon combat, c’est le droit des Palestiniens. »

Elle s’en prend au traitement réservé à cette cause en Europe : « En Occident, on réduit les Palestiniens à une question humanitaire. Mais la Palestine est une question politique, de droit, d’autodétermination. » 

Une société israélienne « dans la dissonance » ?

Rima Hassan dresse un portrait sans concession de la société israélienne, qu’elle juge « aveuglée par sa propre propagande ». Si elle reconnaît des voix dissidentes en Israël — des soldats refusant de servir, des manifestants portant des portraits d’enfants palestiniens — elle souligne la contradiction : « Une majorité soutient encore l’offensive à Gaza. C’est une société coloniale qui est progressiste pour elle-même, mais pas pour les Palestiniens ».

Elle ajoute : « La libération du peuple palestinien, c’est ce qui sauvera les Israéliens. Comme en Afrique du Sud, c’est en se libérant que les colonisés ont sauvé les colonisateurs. »

Une identité façonnée par l’exil

Quand on lui demande comment elle se définit, Rima Hassan ne parle ni de nationalité, ni de religion. Sa première identité, dit-elle, est celle de réfugiée. « J’ai grandi dans les camps palestiniens. Mes grands-parents sont enterrés là-bas, mon père y vit encore. C’est ce qui m’a le plus marquée. »

Avant d’être élue, elle a travaillé dix ans sur la question de l’exil, fondé un observatoire des camps, porté la voix de ceux qu’on oublie. Aujourd’hui citoyenne française, elle revendique cette double appartenance : « Je n’ai pas à me justifier de ma sensibilité pour la Palestine, ni du fait que je parle depuis la France. »

Critique d’un climat politique inquiétant

En fin d’émission, elle a dénoncé les tentatives de stigmatisation en France. À ses yeux, l’annonce d’une nouvelle loi sur « l’entrisme islamiste » est une manœuvre électorale. « On stigmatise encore les musulmans pour masquer l’absence de réponse aux vraies crises sociales. »

Elle s’en prend au ministre de l’Intérieur : « Il choisit la voie de la démagogie, comme le Rassemblement national. On crée un ennemi : le musulman. »

Une opposition résolue, mais sereine

Rima Hassan termine sur un message de confiance dans son camp politique, fidèle au Nouveau Front Populaire. Si elle reconnaît la stature de certains adversaires comme Dominique de Villepin, elle invite les Français à aller au fond des programmes : « Le nôtre est chiffré, sérieux, ambitieux. Il s’inscrit dans une volonté de VIe République ».

De la mer Méditerranée au Parlement européen, l’eurodéputée trace une ligne claire : défendre le droit, porter la voix des invisibles et interpeller les États là où ils préfèrent se taire. Face aux accusations, aux menaces ou aux silences diplomatiques, elle choisit de rester debout. Et de poursuivre, sans relâche, comme un combat pour la justice.