Rétablir le délit de séjour irrégulier : le Rassemblement national relance un vieux débat migratoire !

Déposée par la députée RN Sylvie Josserand, une proposition de loi veut sanctionner les étrangers en situation irrégulière d’une amende de 3 750 euros et d’une interdiction de territoire. Le texte, examiné le 30 octobre à l’Assemblée nationale, ravive un débat juridique et politique que la France croyait clos depuis 2012.

Publié : 24 octobre 2025 à 12h58 par La Rédaction

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Crédit : Visas

Une amende à la place de la prison ?  C’est un retour en arrière que certains jugent nécessaire, d’autres dangereux. La députée du Rassemblement national Sylvie Josserand a déposé une proposition de loi visant à rétablir le délit de séjour irrégulier, supprimé il y a plus de dix ans.

Selon le site demarchesadministratives.fr, le texte prévoit une amende de 3 750 euros pour tout étranger majeur demeurant en France après l’expiration de son visa. En complément, une interdiction de territoire pouvant aller jusqu’à trois ans pourrait être prononcée.

Pour ses partisans, il s’agit de redonner à l’État les moyens d’agir face à une situation jugée hors de contrôle. Le rapport parlementaire précise qu’une obligation de quitter le territoire sur dix seulement est exécutée — soit environ 15 000 sur 130 000 décisions prononcées en 2024. « Depuis la suppression du délit de séjour irrégulier, la France s’est privée d’un outil de maîtrise de sa politique migratoire », écrit la rapporteure.

Un texte soutenu par la droite

Le projet RN ne se limite pas à son camp. À l’Assemblée, les députés Horizons et Les Républicains ont apporté leur soutien à cette mesure au nom de la « cohérence » de leur position sur la fermeté migratoire. Le texte doit être examiné le 30 octobre 2025 dans l’Hémicycle, et son avenir dépendra des équilibres politiques.

Cette proposition reprend en partie un dispositif discuté en 2023 lors du projet de loi sur « le contrôle de l’immigration et l’amélioration de l’intégration ». À l’époque, le Conseil constitutionnel l’avait censuré pour un motif purement procédural, et non sur le fond.

Le nouveau texte se veut conforme au droit européen : il supprime la peine d’emprisonnement autrefois prévue, remplacée par une sanction financière et une éventuelle interdiction du territoire.

Une abrogation dictée par l’Europe ?

Pour mémoire, le délit de séjour irrégulier figurait autrefois à l’article L. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il avait été abrogé le 31 décembre 2012, après une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

La Cour avait estimé que punir le séjour irrégulier de prison portait atteinte aux droits fondamentaux et entravait les procédures de retour. Dans la foulée, la Cour de cassation avait interdit les gardes à vue motivées uniquement par la situation administrative d’un étranger. Le gouvernement de l’époque avait alors supprimé ce délit devenu inapplicable.

Une idée qui revient régulièrement

Ce n’est pas la première tentative de rétablissement. En 2024 déjà, des députés Les Républicains avaient proposé un texte similaire. Ils souhaitaient contourner le droit européen en substituant à la prison « une peine d’amende et une peine complémentaire d’interdiction du territoire ». Mais cette initiative n’avait jamais été examinée.

De même, lors du débat sur la loi Immigration, le Sénat avait réintroduit la mesure avant que les députés ne la suppriment. Elle avait finalement été réintégrée en commission mixte paritaire sur avis favorable de Gérald Darmanin, avant d’être censurée par le Conseil constitutionnel.

Un débat hautement symbolique

Pour les défenseurs du texte, rétablir le délit de séjour irrégulier, c’est « réaffirmer l’autorité de la loi républicaine » et combler le fossé entre la règle et la réalité. Selon eux, l’absence de sanction alimente « un sentiment d’impunité ».

Mais pour ses détracteurs, cette mesure stigmatise les étrangers et contredit les engagements européens de la France. Ils rappellent que la CJUE n’a jamais interdit les sanctions financières, mais a exclu toute logique punitive retardant l’éloignement.

Le 30 octobre, le Parlement rouvrira donc un débat explosif : faut-il pénaliser ceux qui restent sur le territoire sans titre de séjour, ou privilégier les procédures administratives existantes ? Un débat où le droit, la politique et l’émotion risquent une nouvelle fois de s’entremêler.