Salah Aougrout, l’acteur qui a fait rire toutes les générations

La simple évocation de “Souilah”, “Djemai” ou “Achour 10” suffit à faire sourire des millions d’Algériens. Ces noms de personnages cultes, incarnés par Salah Aougrout au fil de sa carrière, évoquent instantanément des fous rires partagés en famille. L’artiste, aujourd’hui âgé de 64 ans, traverse une épreuve de santé qui l’a tenu éloigné des écrans depuis quelques années. Mais son public ne l’a pas oublié – bien au contraire. L’affection pour Souilah semble plus vive que jamais, comme en a témoigné l’émotion suscitée par sa récente réapparition à la télévision lors d’une émission spéciale en son honneur.

Salah Aougrout, alias “Souilah”, photographié lors de son retour en Algérie en 2023 après deux ans de traitement en France, reste l’un des comédiens les plus aimés du public. Figure incontournable de l’humour national, il a conquis le cœur des spectateurs de toutes les générations avec ses mimiques inimitables et son humour universel. Malgré la maladie, son sourire et sa bienveillance continuent d’incarner la joie de vivre aux yeux de tout un peuple.

Des débuts modestes aux premières scènes

Né le 22 mars 1961 à Brives, en France, dans une famille originaire de Blida en Algérie, Salah Aougrout attrape très tôt le virus de la comédie. Fils d’athlète, il se passionne pour le théâtre dès l’adolescence et monte sur les planches en amateur dans sa ville de Blida. Ses premiers pas devant le public algérien se font à travers une comédie musicale télévisée intitulée Dja L’Maa (“L’eau est rétablie”), qui révèle déjà son talent comique sur les écrans nationaux. Fort de cette expérience, le jeune humoriste intègre une troupe de théâtre locale où son jeu tape dans l’œil d’un réalisateur. Cette rencontre va lancer sa carrière au cinéma : repéré par Mohamed Oukassi, il obtient en 1994 son tout premier rôle sur grand écran dans le film Carnaval fi Dachra, une comédie devenue instantanément culte en Algérie. Aux côtés de l’acteur vedette Athmane Ariouet, le jeune Salah y campe le personnage truculent de Cheikh Brahim, et conquiert le public par son sens inné du burlesque.

Après Carnaval fi Dachra, Salah Aougrout enchaîne les apparitions. Il tourne dans le film Dhaouaher wa Souloukat et multiplie les sketchs télévisés et rôles dans des sitcoms qui confirment son potentiel comique. Le début des années 2000 le voit participer à plusieurs séries humoristiques à succès, telles que Dhik Fel Kloub ou Nass Mlah City, où il endosse chaque fois des personnages différents pour le plus grand plaisir des téléspectateurs. En 2006, il est à l’affiche de la sitcom Binatna, qui s’ajoute à son répertoire grandissant. L’année suivante, en 2007, il décroche son premier grand rôle au cinéma dans Argent National, un long-métrage réalisé par son épouse, la cinéaste Fatima Belhadj. Ce film dramatique, qui aborde la douloureuse décennie noire des années 1990 à travers le quotidien d’une famille modeste, permet à Aougrout de montrer une nouvelle facette de son jeu d’acteur. Cette incursion dans un registre plus sérieux assoit sa crédibilité artistique et élargit encore son public.

La consécration : du taxi de Djemai Family au sultan Achour

En 2008, Salah Aougrout accède au rang de superstar nationale grâce à la série télévisée Djemai Family. Pendant quatre saisons, jusqu’en 2011, il y interprète avec brio le rôle d’un sympathique chauffeur de taxi, père de famille un peu naïf nommé Djemai, sous la direction du réalisateur Djaafar Gacem. Le sitcom, diffusé en pleine période de Ramadan, fait un carton d’audience et devient un rendez-vous incontournable des soirées algériennes. Le personnage de Djemai entre dans la culture populaire, et Salah Aougrout, porté par ce succès, est désormais considéré comme l’un des piliers de la comédie dans le pays. Cette reconnaissance sera d’ailleurs couronnée par un Fennec d’or du meilleur acteur, décerné à l’humoriste en 2010 pour l’ensemble de son œuvre comique.

Quelques années plus tard, Salah Aougrout atteint le sommet de sa carrière en endossant un costume hors du commun : celui du sultan Achour dans la série historique parodique Sultan Achour 10. Incarnant un monarque médiéval farfelu et attachant, il déploie tout son talent burlesque et son charisme à l’écran. La série, très attendue pendant le Ramadan, connaît un immense succès populaire et rassemble toute la famille devant la télé. Pour toute une génération de fans, Salah Aougrout devient indissociable de ce rôle iconique qui a profondément marqué les esprits. Ses répliques truculentes et ses gesticulations comiques dans la peau d’Achour 10 font mouche, au point que certains spectateurs l’identifient autant par le surnom d’“Achour” que par celui de “Souilah”. En véritable « monument » du rire algérien, il a réussi à faire l’unanimité auprès d’un public transgénérationnel : des plus jeunes aux aînés, tous apprécient son humour fin et visuel, souvent comparé à celui de Mr Bean pour ses mimiques expressives. Infatigable, il continue sur sa lancée en tenant le premier rôle de la série Bouzid Days en 2016, puis en apparaissant dans Rayes Korso en 2019. Plus de vingt-cinq ans après ses débuts, il demeure au sommet, symbole d’une comédie algérienne dont il est l’une des figures les plus emblématiques.

L’épreuve de la maladie et le soutien d’un peuple

En mai 2021, au faîte de sa popularité, Salah Aougrout est frappé par un grave problème de santé. Le diagnostic tombe : l’acteur est atteint de plusieurs tumeurs cancéreuses. La nouvelle bouleverse ses fans et suscite immédiatement un élan national de solidarité. Face à l’urgence de la situation, les autorités algériennes réagissent sans tarder. Le Président de la République algérienne ordonne la prise en charge de l’artiste à l’étranger, et un avion médicalisé est affrété pour transférer d’urgence Aougrout vers la France. Il est hospitalisé à l’Institut Gustave Roussy, près de Paris, où il entame un long combat contre la maladie, soutenu à distance par tout un peuple. Pendant deux ans, sa famille donne régulièrement de ses nouvelles, notamment via la page Facebook officielle de l’acteur, tenant en haleine des millions d’Algériens inquiets mais unis dans la prière et l’espoir de sa guérison.

Après de lourds traitements et de longs mois de convalescence loin de la patrie, Salah Aougrout rentre enfin en Algérie au début de l’année 2023. Son retour au pays, le 4 février 2023, est accueilli comme une véritable célébration. À sa descente d’avion à l’aéroport Houari-Boumédiène d’Alger, le comédien apparaît affaibli physiquement, se déplaçant en fauteuil roulant, mais le sourire aux lèvres. Ému de retrouver sa terre natale, il adresse ses premiers mots de gratitude à ceux qui l’ont soutenu pendant l’épreuve. « C’est moi qui suis redevable au peuple algérien, il a prié pour moi, maintenant c’est à moi de lui rendre la pareille, et d’enfin revenir » confie-t-il alors, la voix chargée d’émotion. Ces mots, empreints d’humilité et d’amour, résument la relation fusionnelle entre Souilah et son public. L’acteur sait combien les prières et l’affection de tout un pays l’ont accompagné durant son combat, et il entend à présent “rendre la pareille” en revenant sur le devant de la scène dès que sa santé le permettra.

Un vibrant hommage sur le petit écran

Quelques mois après son retour, Salah Aougrout fait une apparition remarquée à la télévision algérienne, le temps d’une soirée riche en émotions. En plein mois de Ramadan 2025, il est l’invité d’honneur de l’émission de variétés “Kaâdatna Djazaïria” diffusée sur la chaîne Samira TV. Accompagné sur le plateau par d’autres personnalités, l’humoriste fétiche des Algériens renoue avec les caméras après plusieurs années d’absence. Des millions de téléspectateurs, ravis et émus, suivent ce rendez-vous pas comme les autres. L’émission se transforme vite en un hommage chaleureux à l’artiste au parcours atypique et à l’immense popularité. Dans une atmosphère conviviale, rythmée par l’esprit du Ramadan, collègues et amis défilent pour lui adresser des messages de soutien et de admiration.

Parmi ces témoignages, celui de la chanteuse et actrice Numidia Lezoul donne le ton de la soirée. En replongeant dans ses souvenirs, elle évoque avec émotion ses débuts aux côtés de Salah Aougrout et mesure le chemin parcouru grâce à lui. « Jamais je n’oublierai mes débuts avec toi. J’ai eu la chance d’apprendre aux côtés d’un géant comme toi », confie-t-elle, la voix tremblante de gratitude. D’autres, à l’instar du réalisateur Djaffar Gacem, rappellent les rôles inoubliables campés par Souilah. Sur le plateau, Gacem brandit symboliquement la couronne du sultan Achour 10, en souvenir du personnage légendaire que Salah Aougrout a incarné et de son règne sur le cœur du public algérien. La comédienne Imen Noel exprime quant à elle l’attachement indéfectible de tout un peuple à l’égard de l’acteur adoré. « Ton absence a été longue, mais tu n’as jamais quitté nos cœurs et nos esprits. Tu manques aux artistes comme au peuple. Nous prions Dieu pour toi, pour un prompt rétablissement », déclare-t-elle avec ferveur. À travers ces mots, c’est la voix de tous les Algériens qui s’élève, unanime, pour souhaiter le retour de leur comédien fétiche.

Face à cette avalanche d’hommages sincères, Salah Aougrout ne peut contenir son émotion. Des larmes perlent sur ses joues alors qu’il tente de sourire, submergé par l’affection qui lui est témoignée. D’une voix douce, il remercie une nouvelle fois son public et ses collègues pour ce soutien qui le touche au plus profond. Cette soirée télévisée, véritable vibrant hommage à sa carrière, a permis de retracer plus de vingt-cinq ans de rires et de succès. Elle rappelle à chacun l’empreinte indélébile que Salah Aougrout a laissée dans le quotidien des Algériens. Ses œuvres, qu’il s’agisse de sketches, de séries ou de films, font désormais partie du patrimoine culturel populaire.

Aujourd’hui, alors que Souilah poursuit son chemin de convalescence, c’est tout un pays qui demeure à ses côtés. L’artiste a marqué toutes les générations par son humour contagieux et ses personnages inoubliables, et il continue de recevoir chaque jour des messages d’encouragement. Preuve que Salah Aougrout n’est pas seulement un acteur : il est une légende vivante de l’humour algérien. En attendant de le revoir, guéri et plein d’énergie, illuminer de nouveau le petit écran, ses fans lui adressent une immense ovation du cœur – comme un seul homme, pour lui dire merci. Et lui, modestement, leur rend la pareille, promettant : « maintenant c’est à moi de revenir ».