Nna Chérifa, une voix, une vie, une légende !

14 mars 2022 à 15h13 par Fodil

La légende de la chanson kabyle, Nna Chérifa, nous a quittés, le 13 mars 2014, suite à une longue maladie. Retour sur des instants de la vie de l’un des grands monuments de la chanson folklorique kabyle.

Cherifa

Des champs d’oliviers de son petit village en Kabylie au Zénith de Paris où elle se produit devant des milliers d'admirateurs… c'est le merveilleux parcours d'une petite orpheline qui va forcer le destin pour devenir une icône, un porte étendard, symbole de toutes les femmes algériennes.

Une enfance difficile

Nna Chérifa, de son vrai nom Ourida Bouchemlal, est née le 9 janvier 1926 à Ith Halla, commune d’Ilmayen, au sein de la grande tribue des Ath Ouarthirane. Orpheline, sa biographie officielle indique qu'elle a été placée sous la garde de son oncle lorsque son père s'est remarié.

On raconte qu'elle aimait chanter depuis toute petite et notamment lorsqu'elle gardait les moutons, sauf qu’il est interdit aux femmes et aux jeunes filles de chanter.  Son oncle se chargera de le lui rappeler à coups de bâton à chaque fois qu’il la surprend en train de chanter avec sa voix angélique.

Malgré les nombreuses corrections qu'elle reçut de son oncle qui voulait la guérir de cette honteuse maladie du chant, la petite Ourida ne manqua jamais un seul « ourar ». Les ourars sont ces célébrations de mariages ou de circoncisions où les femmes se réunissent pour chanter des chants traditionnels. Elle chante pour ravir les cœurs, compose avec joie des vers, de belles ritournelles et créée des mélodies inoubliables.

De la radio algérienne à l’Olympia

Nna Chérifa débute sa carrière à la radio nationale à l'âge de quatre ans en dans un style type folklore kabyle, avant d’écrire plusieurs  ensuite plusieurs chansons qui la révèleront aux yeux du grand public, faisant d'elle l'un des monuments de la chanson kabyle.

Au cours de sa carrière, elle aura composé près de 800 chansons dont « Azwaw », « Sniwa Ifendjalene » et « Bkalakhir Ayekbou »,  et se produira en France, à l'Olympia en 1993, à l'Opéra Bastille en 1994 et au Zénith de Paris en 2006.

Chérifa a chanté tous les aspects de la vie et est connue pour ses préludes ainsi que ses  chansons d'amour. Pendant des générations, des chanteurs ont repris ses chansons sans compensation financière lorsqu'elle n'arrivait pas à joindre les deux bouts. Aussi, pour subvenir à ses besoins, elle finit par faire le ménage, notamment à la télévision algérienne. 

Artiste recherchée, son travail est issu de ses expériences de vie. Avant son décès, elle a avoué qu'elle se sentait abandonnée et que personne ne lui a rendu visite depuis qu'elle était alitée. 

Avant sa mort, la chanteuse a réussi à réaliser l'un de ses plus grands rêves, en visitant, avant son décès, la tombe de Cheikh Aheddad à Seddouk, où elle a demandé aux femmes de ne pas renoncer à leurs traditions lors d'une fête célébrée le 8 mars.

Elle nous a quitté le 13 mars 2014, avec un sentiment d'abandon, enterrée dans le village d'Ilmayen, dans sa ville natale à Bordj Bou-Arreridj.

Surnommée la « Edith Piaf de la chanson kabyle »

Elle va d'abord ouvrir la voie aux femmes en devenant une voix féministe et si, musicalement, Nna Cherifa puise d’abord son inspiration des traditions, ses thèmes portent sur la souffrance de sa vie, qui est souvent le sort de toutes les femmes.

Elle est devenue un symbole car elle a le courage et le mérite de chanter en défiant tous les tabous et interdits. La disparition de la légende de la chanson kabyle s’est s'ajoutée à la longue liste de ces hommes et femmes qui ont marqué de leur empreinte la culture algérienne.