Interview exclusive de Me Gilles Devers, avocat de la cause palestinienne !

30 novembre 2023 à 17h19 par La rédaction

Dans une interview exclusive accordée à Beur FM, Maître Gilles Devers, avocat dédié à la cause palestinienne, s'est entretenu avec Adile Farquane dans l'émission Les Zinformés ce mercredi 29 novembre.

Gilles Devers 2

Actuellement en Algérie pour une conférence cruciale avec des magistrats, avocats et personnalités de renom, Maître Devers aborde la plainte qu'il mène avec vigueur devant la Cour Pénale Internationale. Cette démarche juridique s'inscrit dans un contexte de dénonciation des exactions de l'armée israélienne en Palestine. 

Dans quel état d’esprit êtes-vous Maître Gilles DEVERS lorsque vous avez échangé avec les différentes personnalités et autorités algériennes ?  

J’ai l’impression d’être un arbre qui retrouve de nouvelles racines parce que l’histoire palestinienne est complètement inscrite dans la réalité algérienne. Dans un cas comme dans l’autre, on parle du droit à l’autodétermination qui est la source de tout, et l’Algérie a toujours eu une position exemplaire vis-à-vis de la Palestine.

Elle n’a pas besoin de rappeler son ambassadeur si vous voyez ce que je veux dire. Donc nous sommes par ailleurs tout à fait en phase sur le fait que la justice doit être la réponse à la violence et cette plainte dont j’ai pris l’initiative qui regroupe maintenant 180 ONG, 600 avocats et des bâtonniers pratiquement du monde entier, et bien elle démontre une volonté de dire : on a vu ce qu’il se passe en Palestine et c’est le plus grave des crimes, vu que c’est le crime de génocide.

Donc on travaille sur les modalités de cette procédure et le fait d’arriver à un résultat marquant devant la cour. 

Est-ce que 600 avocats signataires de cette plainte collective devant la CPI pour génocide contre le peuple palestinien, est-ce que celui peut débaucher selon vous ?  Quelle est la probabilité et le degré pour que cela se retrouve devant la Cour Pénale Internationale ? 

Et bien le degré,  il est à 100%, parce que c’est déjà fait. J’entends tous les jours qu’une procédure de ce type n’a pas de chance devant la CPI, parce qu’Israël n’a pas reconnu la cour, mais il y a eu un arrêt du 5 février 2021 qui a dit que la Palestine était un Etat avec une compétence souveraine sur la Cisjordanie, sur Jérusalem Est et sur Gaza, et que le gouvernement de Palestine pouvait valablement transférer sa compétence à la cour.

Donc ça c’est un point qui est réglé. La seule chose qui est à savoir c’est est ce qu'un crime a eu des effets sur le territoire de Palestine, quel que soit l’auteur. Quand nous avons maintenant des réunions avec la Cour, on ne passe pas une seconde à examiner ça, parce que c’est tranché. Le deuxième obstacle que j’entends toujours en France c’est qu’il n’y aurait rien de possible parce qu’Israël exercerait son droit de légitime défense mais il a été jugé par le Cour de justice en 2004 que Israël est puissance militaire occupante, elle n’a pas de légitime défense vis-à-vis du peuple palestinien, au contraire, elle doit la protection. C’est pas comme si elle était agressée par un Etat extérieur.

Donc les 2 fondements juridiques pour qu’il n’y ait pas de suites, c’est réglé. 

Votre plainte est-elle une manière de soutenir le peuple palestinien qui est victime de ce que vous appelez d’un véritable génocide, Maître Devers ?

Non, c’est une plainte, c’est une véritable action en justice.

Est-ce que pour vous, c’est de soutenir le peuple palestinien en portant cette plainte ?

C’est une défense, moi je ne fais pas du soutien, je ne suis pas un politicien, je ne suis pas une ONG, je suis un avocat qui fait son métier, notre métier est de défendre les droits, donc on défend les droits des Palestiniens, et les droits des Palestiniens, c’est bien sûr 15000 morts, c’est surtout 2.3 millions de personnes qui sont victimes de ce génocide et qu’il y a eu tous ces actes pour leur dire que vous devez dégager de votre terre.

Vous avez fait une déclaration récemment où vous dites que « tous les pays du monde entier doivent adhérer à cette initiative ». Que voulez-vous dire par là, Maître Devers ?

Je vois qu'à ce jour, nous avons des contacts qui vont du Pakistan jusqu'au Brésil en passant par toute l'Afrique et l'Europe. Donc, nous allons demander demain solennellement qu'il y ait des comités d'avocats pour la Palestine qui se constituent dans le monde entier, pour qu'on puisse à tout moment fournir des équipes très compétentes, qui vont répondre aux besoins des Palestiniens, qu'ils soient de Cisjordanie, de Jérusalem, des camps, de partout dans le monde.

Nous ne laisserons plus les Palestiniens sans droit. Nous avons dit que la Palestine est un État sans armée, eh bien, il a maintenant une armée d'avocats, et cette armée est au service des droits palestiniens

Depuis Alger, avec des juristes et avocats de pays arabes et occidentaux, qu'avez-vous échangé, Maître Gilles Devers, avec vos différents confrères et les différentes personnalités à Alger concernant cette plainte et cette démarche que vous avez initiée ?

Les avocats sont pragmatiques, on n’aime pas perdre notre temps. Nous avons travaillé sur les preuves actuellement demandées par le bureau du procureur et nous jouons sur tous les contacts que nous pouvons avoir, par le biais des barreaux, notamment du Barreau de Palestine avec qui je coopère en premier lieu, mais également avec toutes les personnes qui ont des contacts avec des Palestiniens de Gaza, pour obtenir des mandats. Et des mandats même succincts sont acceptables, parce qu’on est en situation de guerre et que les gens ont tout perdu dans cette guerre. Ces mandats sont attendus par le bureau du procureur pour voir le peuple qui s’adresse au procureur.

Nous travaillons également sur une deuxième piste qui est celle des armements, vu qu'il y a des usages d'armes qui caractérisent les crimes. Nous avons besoin, dans cette phase d'urgence, de prendre les faits les plus marquants pour essayer de convaincre le procureur, vu que notre but est d'obtenir un mandat d'arrêt contre le Premier ministre Netanyahou.

Est-ce que vous avez pu échanger avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune ?

Non, il n’y a pas lieu, c'est une initiative d'avocats. Il y a, par ailleurs, des initiatives politiques. À la suite de l’initiative de l’Algérie, il y a plusieurs États membres de la Cour, conduits par l’Afrique du Sud, qui ont déposé une plainte en tant que membres de la Cour.

La Turquie, qui n’en est pas membre, s’est manifestée. Je pense qu’il faut s’attendre, dans les temps à venir, à d’autres États qui vont écrire au procureur en lui disant : on vous demande de faire ce que ne fait pas le Conseil de Sécurité, vu que le Conseil de Sécurité ne peut même pas prendre position sur un cessez-le-feu, ce qui est une catastrophe.

Donc, il faudra tirer les enseignements plus tard, mais il y aura beaucoup de soutien autour du procureur en lui disant que c’est certainement un défi également pour votre cour, mais c’est le crime le plus grave depuis la création de la Cour en 2002.

Plus personne ne comprendrait rien s’il y avait eu des réactions dans le cadre de la Côte d’Ivoire avec Monsieur Gbagbo, dans le cadre de la Libye avec Monsieur Khadafi, dans le cadre de l’Ukraine avec Monsieur Poutine, et qu’il n'y avait pas de réaction alors que c’est ce crime sous les yeux de tout le monde pour le peuple palestinien, qui est le plus démunis du monde.

Comment comptez-vous défendre les droits du peuple palestinien ?

Ma première démarche et ma première pensée, elles sont vis-à-vis des Palestiniens, ceux qui peuvent nous écouter directement ou par le biais de leurs familles, pour leur dire que vous avez une Cour qui vous attend, vu que la Cour Pénale Internationale est la seule institution internationale qui a jugé de manière claire et précise que la Palestine est un État.

Donc, il y a un endroit dans le monde où vous êtes égaux à tous les êtres humains, c’est devant cette Cour. Et il faut travailler, ensuite, en faisant un travail d’avocat, réunissant les preuves, constituant des dossiers, et nous serons de plus en plus entendus. Je vois beaucoup de signes qui sont là pour dire que la Cour répond à ce travail technique.

J’appelle tous mes amis avocats, qu’ils soient d’Algérie ou d’ailleurs, pour dire que nous sommes une grande fraternité. Une fraternité professionnelle, nous avons appris dans la profession qu’un avocat ne dort pas tant qu’il a quelque chose à faire pour la défense des droits, donc gardons les yeux ouverts, retroussons les manches et travaillons tous ensemble pour les Palestiniens.

Qu’est-ce que vous avez envie de livrer comme message principal à celles et ceux qui nous écoutent ce soir ? 

Gardez votre cerveau branché. Regardez ce qu’il se passe. Ya pas besoin d’être grand spécialiste de droit international, et avoir 30 ans d’avocat, pour comprendre que ce qu’on voit en Palestine c’est le massacre d’un peuple. Et ce massacre d’un peuple, ça a un nom, ça s’appelle le génocide, et ça a été jugé 15 fois en jurisprudence et dernière fois pour les Rohingyas.

Donc il faut garder le sens du droit et je suis tout à fait désolé de voir mon pays la France, par sa classe dirigeante, qui s’accroche à des lubies, et notamment à cette lubie que la puissance militaire occupante aurait un droit de légitime défense vis-à-vis du peuple occupé, ce qui est ignorer l’histoire et c’est ce qui est refaire l’argumentaire que l’on avait ici, sur cette terre d’Algérie, il y a de ça plus de 50 ans.

Donc c’est une terrible régression, et que chacun se saisisse de cette culture du droit et en sachant qu’il trouvera maintenant des avocats destinés pour la Palestine entourés de grands professeurs de droit et nous sommes tous là comme des soldats à la défense du droit des Palestiniens.

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