Idir, éternel ambassadeur de la culture kabyle dans le monde !

2 mai 2022 à 12h30 par La rédaction

Il y a 2 ans jour pour jour, dans la nuit du 2 au 3 mai 2020, Idir décédait à l’âge de 70 ans des suites d’une maladie pulmonaire. L’artiste est l’auteur de nombreux tubes entrés dans la mémoire collective populaire comme « A vava inouva » ou encore « Ssendu ». Retour sur la carrière exceptionnelle d’un homme qui aura marqué des générations à travers le monde.

Idir
Crédit : Page Facebook Idir

Idir, de son vrai Hamid Cheriet, est né le 25 octobre 1949 à Aït Lahcène dans un village situé à Tizi-Ouzou. Fils de paysan élevé chez les jésuites, il se destine à être géologue mais un passage à la Radio Alger change le cours de son destin.

Il remplace la chanteuse kabyle Nouara qui devait chanter une berceuse qui lui avait écrite ; il interprète alors « A vava inouva » qui va devenir son premier succès radiophonique avant de partir faire son service militaire. Cette chanson le révèle aux yeux du monde entier et devient la première chanson algérienne à franchir la méditerranée, bien avant les succès de Cheb Khaled et Cheb Mami.

Dans ce qui deviendra un tube planétaire, Idir évoque une ogresse et un enfant perdu dans la forêt. Il affirme aussi l’identité et le retour aux racines profondément ancrées dans l'histoire de l’Algérie. Sa douce voix accompagnée d’un texte poignant, font que cette berceuse soit diffusée dans 77 pays et traduite en 15 langues.

Premier album 

Surdoué de musique et d’écriture, la passion lui a été transmise par sa mère et sa grand-mère qu’il qualifie de « poétesses ».

En 1975, Idir se rend à Paris, contacté par la maison de disque Pathé Marconi qui souhaite produire son premier album dans lequel se trouve « A vava inouva », un hymne universel interprété, en version française, par le duo David Jisse et Dominique Marge en 1976.

Fort de son précédent succès, Idir se met à écrire à nouveau et enregistre, en 1979, son album « Ay arrac negh » (A nos enfants). Malgré sa popularité naissante, le chanteur kabyle ne se reconnaît pas dans ce monde musical dominé par l’argent ; il décide alors de s’éclipser pendant une dizaine d’années.

« Les chasseurs de lumière »

Idir signe son retour sur scène en 1991, après avoir remporté son procès contre son ancien producteur, en présentant une compilation de ses premières chansons.

Deux ans plus tard, il publie un tout nouvel album moderne, intitulé «  Les chasseurs de lumière », dans lequel il associe des instruments traditionnels à des rythmes électroniques. Le poète aborde dans cet album ses thèmes de prédilection : la liberté, l’amour et l’exil.

Artiste engagé 

Chanteur engagé et homme de conviction, Idir ne rate jamais une occasion pour soutenir différentes causes. Le 22 juin 1995, il chante sur scène aux côtés de Cheb Khaled pour soutenir l’association « Algérie la vie » qui prône la paix, la liberté et la tolérance en Algérie. Cet événement  réunit plus de 6 000 personnes.

Un an après, il publie l’album « Identité », entre chaâbi algérien et mélodies occidentales, sur lequel il invitée des musiciens de différents horizons, comme Manu Chao, Dan Ar Braz, Zebda, Maxime Le Forestier, Gnawa Diffusion, Gilles Servat, Geoffrey Oryema et l’Orchestre National de Barbès.

Symbole de la résistance et de l’identité Kabyle

L’ambassadeur de la chanson kabyle est l’un des premiers artistes à répondre présent lors concert en hommage à Matoub Lounès assassiné en 1998 en Kabylie.

Fervent défenseur de l’identité berbère, il participe au 21ème printemps berbère organisé au Zénith à Paris pour célébrer la culture berbère. Le 8 juillet 2001, Idir donne également un concert lors des émeutes qui ont secoué la Kabylie, devant une salle archicomble, en compagnie de nombreux artistes qui soutiennent la révolte du peuple kabyle face au régime algérien.

En mai 2002, Idir revient avec « Deux rives, un rêve », une compilation qui contient ses plus grands succès, dont son premier tube « A vava inouva » réorchestré.

Artiste engagé, il écrit, en 2004, avec de nombreux artistes, intellectuels et scientifiques du Maghreb, une tribune dans le journal Libération intitulée « retrouver la force d’une laïcité vivante ».

Encouragé par sa maison de disques, Idir sort, un an plus tard, un CD live et un double DVD qui retrace ses 30 ans de carrière, contenant un documentaire qui présente le parcours d’un homme discret qui, de sa Kabylie, a réussi à conquérir le monde.

En pleine campagne présidentielle de 2007 marquée par le débat sur l’immigration et l’identité, Idir signe un album baptisé « La France des couleurs » dans lequel il « défend les couleurs de la France ». Il invite des jeunes artistes, comme Akhenaton, Grand Corps Malade ou encore Zaho, à se joindre à lui pour composer des chansons autour de l'identité et la diversité culturelle en France.

Six ans plus tard, Idir revient avec « Adrar Inu » (Ma Montagne) qui marque un retour aux sources. Cet album comprend notamment un titre dédié à sa mère, décédée le 18 mars 1972, et des reprises de morceaux anglais de Scarborough Fair ou des The Who.

Son dernier album 

En 2007, la légende de la chanson algérienne signe sa dernière création artistique « Ici et ailleurs » dans lequel il revient sur les chansons qui l’ont profondément marqué durant son enfance et dans sa vie artistique. Il réinterprète ainsi 11 chansons en duo avec les plus grands noms de la variété française comme Charles Aznavour, Patrick Bruel, Francis Cabrel, Grand Corps Malade, Bernard Lavilliers, Gérard Lenorman, Henri Salvador, sa fille Tanina et Tryo. Et dans le titre « Être né quelque part » avec  Maxime Le Forestier, Idir accepte de chanter « à condition de chanter en kabyle ».

Retour aux sources

Après 38 ans d’absence, Idir revient, les 4 et 5 janvier 2018, chanter en Algérie à la Coupole du complexe olympique Mohamed-Boudiaf à Alger à l’occasion de Yennayer, le nouvel an berbère, accompagné de sa fille Tanina.

Hospitalisé le 1er mai 2020 à Paris en raison d’une maladie pulmonaire, il s’éteint le lendemain soir. De nombreuses personnalités politiques, artistiques et sportives lui ont rendu hommage, du président algérien Abdelmadjid Tebboune à Zinedine Zidane en passant par la maire de Paris, Anne Hidalgo.

Deux ans déjà se sont déjà écoulés depuis qu’Idir a rejoint sa dernière demeure mais la douleur de son public ne s’apaise pas. Sans doute parce que son talent et sa musique sont de véritables échappatoires culturels et émotionnels pour tous, des plus âgés aux plus jeunes, des femmes aux hommes.

Enfant de l’immigration, Idir a participé au développement et l’émancipation de la culture kabyle en la partageant sur toutes les scènes du monde entier.