Deux journalistes d’Al Jazeera tués dans une frappe israélienne !

Anas al-Sharif et Mohammed Qreiqeh, figures emblématiques d’Al Jazeera à Gaza, ont été tués avec trois collègues dans une frappe israélienne visant une tente de journalistes près de l’hôpital Al-Chifa. Leur disparition, dénoncée comme un crime de guerre par l’ONU et l’UE, laisse un vide immense dans la couverture de la guerre et soulève l’indignation internationale.

Publié : 12 août 2025 à 2h14 par La Rédaction

Anas AlSharif
Crédit : Anas AlSharif - Instagram

Dimanche soir, au 675ᵉ jour de l’offensive israélienne contre la population de Gaza, un missile a frappé une tente clairement identifiée comme espace réservé aux journalistes, installée près de l’hôpital Al-Chifa. À l’intérieur, Anas al-Sharif et Mohammed Qreiqeh, correspondants d’Al Jazeera, travaillaient aux côtés des cameramen Ibrahim Zaher, Mohammed Noufal et Moamen Aliwa. Tous ont été tués sur le coup. Un pigiste, Mohammed al-Khaldi, est mort de ses blessures quelques heures plus tard.

L’armée israélienne a reconnu avoir visé Anas al-Sharif, l’accusant d’être un « terroriste » se faisant passer pour un journaliste. Une justification rejetée par l’ONU, l’UE et de nombreuses organisations de défense de la presse, qui y voient un assassinat ciblé et une violation grave du droit humanitaire.

« Ils voulaient tuer la vérité »

La rapporteuse spéciale de l’ONU pour la liberté d’expression a dénoncé une volonté claire « d’éliminer les voix qui exposent les atrocités ». Elle rappelle que le nombre de journalistes tués à Gaza « dépasse celui de tout autre conflit ». Pour elle, Anas al-Sharif « avait juré de continuer à dire la vérité » et « était un journaliste courageux ».

Le directeur de l’hôpital Al-Chifa affirme que « la tente visée était connue pour être celle des journalistes ». Selon lui, cette attaque prépare « de nouvelles massacres à venir, dans un silence accru ».

Des reporters devenus symboles

Anas al-Sharif, 28 ans, était originaire du camp de réfugiés de Jabaliya, sa famille venant d’Ashkelon. Resté volontairement dans le nord de Gaza, malgré les ordres d’évacuation, il était devenu un visage familier des téléspectateurs arabes, relatant sans relâche la faim, les bombardements et la survie au milieu des ruines.

Dans sa dernière interview, il reconnaissait être menacé de mort mais persistait : « Ces menaces sont perpétuelles, mais c’est mon devoir. Je montre la souffrance du peuple palestinien parmi lequel je vis, la souffrance que je vis moi aussi. »

Mohammed Qreiqeh, lui, avait payé un prix personnel immense : expulsé de chez lui à Shuja’iyya, il avait vu sa mère âgée tuée par un soldat israélien après avoir refusé de quitter seule le quartier. Malgré cette tragédie, il continuait à couvrir la détresse des habitants de Gaza avec dignité et ténacité.

Des adieux chargés d’émotion

Al Jazeera parle d’« un assassinat prémédité » visant à « faire taire les dernières voix libres à Gaza ». La chaîne rappelle que dix de ses journalistes ont été tués depuis le début de l’offensive.

Lundi, des dizaines de personnes ont accompagné les corps des victimes au cimetière Cheikh Redouane. Leurs collègues les ont salués comme « les derniers témoins du nord de Gaza », des reporters qui « ont vécu la faim et la peur qu’ils filmaient ».

Dans un testament rédigé en avril et publié après sa mort, Anas écrivait : « J’ai vécu la douleur et connu la perte, mais je n’ai jamais cessé de dire la vérité. Si je meurs, je veux que Dieu soit témoin de ceux qui se sont tus et de ceux qui ont accepté notre meurtre. »

Il concluait par trois mots : « N’oubliez pas Gaza. »

Une hécatombe sans précédent

Depuis le début de la guerre, 237 journalistes ont été tués à Gaza, selon le bureau d’information du gouvernement local. La majorité étaient Palestiniens. La Commission pour la protection des journalistes dénonce une « campagne d’élimination » et s’inquiète de la tendance israélienne à qualifier les reporters de « terroristes » sans preuves.

Pour beaucoup, la frappe contre la tente des journalistes à Al-Chifa n’a pas seulement ôté la vie à six hommes : elle a voulu tuer l’image, la parole et la mémoire. Mais comme l’a écrit un confrère d’Anas, « ils ont éteint le corps, pas la lumière ».