Cheb Hasni, l’amour brisé mais jamais oublié !
Trente et un ans après son assassinat à Oran, la voix de Cheb Hasni résonne toujours. Roi du raï sentimental, il avait fait de l’amour une arme contre la violence. Sa mort a brisé une génération. Mais ses chansons, elles, n’ont jamais cessé d’exister.
Publié : 29 septembre 2025 à 0h01 par La Rédaction
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Il avait l’âge des passions, l’âge des rêves, l’âge où l’on croit encore que chanter peut suffire à guérir le monde. À 26 ans, Cheb Hasni a été arraché à la vie par la violence aveugle. Pourtant, son nom est resté une promesse : celle que l’amour ne s’éteint jamais, même dans les nuits les plus sombres. Mais derrière la légende figée par la tragédie, il y avait un jeune homme ordinaire, né dans la simplicité des quartiers populaires, avec des rêves plus grands que ses ruelles.
Pour comprendre l’homme derrière la légende, il faut revenir à ses racines, là où tout a commencé, dans les ruelles d’Oran. Fils d’un soudeur et chef de famille, né le 1ᵉʳ février 1968 dans le quartier populaire de Gambetta à Oran, Hasni Chakroun grandit en chanteur passionné. Joueur prometteur au club local de l’ASMO, il abandonne le terrain à 15 ans après une grave blessure – un accident qui tourne au bonheur des amateurs de musique raï. Lors d’un mariage familial, sa voix émerveille les invités : repéré dès 1983 grâce à ce mariage, on le convie dans les cabarets oranais, première étape d’une carrière fulgurante.
Dans ces cabarets enfumés, sa voix se frayait un chemin comme une lueur fragile, éclairant d’un éclat nouveau les nuits d’Oran.
Des cassettes et des hits planétaires
Cheb Hasni enregistre sa toute première cassette en 1986, chez l’éditeur Saint-Crépain. L’année suivante, il connaît un succès foudroyant en duo avec la célèbre cheikha de raï Cheba Zahouania sur le titre provocateur « El Baraka » (La cabane), qui évoque avec lyrisme un amour défendu. Ce tube fait de lui un héros chez les jeunes qui rêvent de liberté et d’amour au milieu des tabous de la société algérienne. Sa voix chaude et sincère et ses paroles intimes font mouche immédiatement, et ses fans n’hésitent pas à le comparer aux plus grands chanteurs romantiques de l’époque – certains le voyaient comme le « Jacques Brel des jeunes Algériens », d’autres comme un Patrick Bruel du raï love en France.
En six ans seulement, il publie plus de cent cassettes, soit plus de 150 au total dans sa courte carrière ; une prolixité inouïe qui le place au sommet du raï des années 1990. Ses chansons circulaient de cassette en cassette, comme des bouteilles jetées à la mer, transportant l’amour au milieu de la tempête. Sa musique est précisément qualifiée de « raï love » ou « raï sentimental », un genre dont il devient le maître incontesté
Le chant d’un peuple en quête d’amour
Dès ses débuts, Cheb Hasni est adulé par la jeunesse : il devient le chantre des sentiments et il le fait avec tant de sincérité que chacun s’y reconnait. Les médias de l’époque décrivent un véritable « pouvoir de rêve » chez ce chanteur des deux rives de la Méditerranée. Sans étiquette politique, il incarne « l’âme d’une génération au bord de l’étouffement » en décrivant ses tourments et ses espoirs
Au Maghreb comme dans la diaspora maghrébine de France, l’émotion ne tarde pas à déborder : on se perd en superlatifs. Le Monde note que « Cheb Hasni était le roi de la chanson sentimentale, sur fond de rythmique raï ».
Ses mélodies d’amour, souvent empreintes de nostalgie et de douceur, deviennent des hymnes : « El visa », « Mazal souvenir andi », « Matebkich », « Gaa Ensa », « Enfin lkit li tefhamni… »… autant de titres que chantent en chœur les amoureux et les cœurs brisés des deux côtés de la Méditerranée. Par cette poésie populaire universelle, Hasni gagne un statut mythique : chaque phrase de ses chansons semble faire écho aux sentiments les plus profonds du public.
Hasni est parti, mais son écho a grandi
Mais ce bonheur est de courte durée. Le 29 septembre 1994, l’Algérie vit dans la terreur des années noires. En pleine journée, un jeune homme s’approche de Cheb Hasni à l’entrée d’un café de son quartier Gambetta. Le geste semble tendre, comme pour réclamer un autographe, mais il tourne en tragédie : l’assaillant presse sa main autour de l’épaule du chanteur plus longuement qu’à l’accoutumée – puis dégoupille une arme sous l’étreinte. Deux balles tirées à bout portant fauchent le rossignol de l’amour : l’une atteint son cou, l’autre la tête, mettant fin à son chant.
Son ami et rival Cheb Khaled, bouleversé, confia alors son traumatisme : jamais il n’aurait imaginé voir tomber celui qui incarnait l’amour, lui qui n’avait jamais fait de politique.
Aux obsèques, une foule immense défia le couvre-feu. Des milliers de jeunes envahirent les rues d’Oran, accompagnant sa dépouille jusqu’au cimetière d’Aïn El Beïda. Des pleurs, des chants, des slogans pour la liberté : l’Algérie entière enterrait son artiste, mais refusait de taire sa voix.
Héritage d’un cœur rebelle
Pourtant, les ténèbres n’ont pas eu le dernier mot. Trente et un ans après ce jour funeste, Cheb Hasni reste vivant dans les cœurs. Officiellement décoré de la médaille du Mérite national au rang d’« Achir » à titre posthume, il est avant tout l’idole d’une génération entière. Chaque Algérien(e), maghrébin(e), où qu’il/elle soit sur Terre, garde le souvenir de ce chanteur qui offrait de l’espoir au milieu du chaos. Son image reste celle d’un homme du peuple, fidèle à ses racines d’Oran, resté attaché à son quartier malgré la menace. Ses anciens compatriotes et amis témoignent : plus qu’un artiste, il était un fils de la ville, un voisin, un frère qui chantait pour eux.
Dans les cafés d’Oran comme dans les friches festives de la banlieue parisienne, les refrains de « Baïda mon amour » ou « Tal ghaybak ya ghzali » percent encore le brouillard du souvenir, rappelant que l’amour sincère ne meurt jamais. Ses chansons sont devenues des prières populaires, murmurées dans les cuisines, hurlées dans les mariages, fredonnées dans les voitures : un patrimoine affectif qui défie le temps et les frontières.
Cet héritage dépasse son époque. Cheb Hasni a redéfini avec ses pairs une génération de raï plus douce, plus mélodieuse – le « raï sentimental » – qui perdure encore aujourd’hui. La « génération Hasni » ne s’éteint pas : sa tradition a été transmise à des successeurs comme Cheb Nasro, et les fusions modernes du raï avec l’électro ou la pop ne font que prolonger son souffle. Parler de Cheb Hasni aujourd’hui, c’est évoquer un morceau d’identité algérienne, un artiste qui osa chanter l’amour quand chanter était devenu un acte de rébellion.
Ouverture contemporaine possible
Aujourd’hui, l’ombre lumineuse de Cheb Hasni plane encore sur la scène musicale. Ses chansons continuent de tourner en boucle sur YouTube, cumulant des millions de vues, preuve que de nouvelles générations découvrent sa voix. Des documentaires, des hommages en Algérie comme en France, et des reprises par des artistes de raï ou de rap confirment que son héritage n’a pas vieilli. Dans les mariages, les cafés ou sur les plateformes de streaming, Hasni reste une bande-son universelle de l’amour et de la mélancolie.
Trente et un ans après, il n’est plus seulement le symbole d’une époque, mais une légende qui parle toujours aux cœurs d’aujourd’hui.
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