Boughéra El Ouafi : l’histoire d’un champion oublié !
De son triomphe olympique à sa mort tragique, la vie de Boughéra El Ouafi incarne le destin tumultueux d'un champion oublié.
Publié : 24 mai 2024 à 17h27 par La rédaction
Dans un monde où les grandes figures sont souvent reléguées aux marges de la mémoire collective, l'histoire de Boughéra El Ouafi mérite d'être ravivée.
Premier Africain indigène à remporter une médaille olympique en 1928, ce marathonien algérien est devenu un symbole d'excellence sportive et d'injustice sociale. Malgré son triomphe à Amsterdam, il a été rapidement oublié, sombrant dans la misère et la précarité.
L'épopée d’une vie
Né le 15 octobre 1898 à Ouled Djellal, en Algérie, Boughéra El Ouafi a parcouru un chemin hors du commun. Ce n’est qu'après son service militaire, au 25e régiment de tirailleurs sénégalais, que ses talents de coureur sont découverts.
Repéré par le lieutenant Vaquer, il est envoyé à Paris en 1923 pour représenter son régiment dans une compétition sportive militaire. El Ouafi fait forte impression et rejoint le CASG.
En 1924, après avoir affronté Jean-Baptiste Manhès dans plusieurs courses, il se qualifie pour le marathon des Jeux olympiques de Paris, terminant à la septième place.
La vie chez Renault et la montée en puissance
Pour subvenir à ses besoins, il travaille comme décolleteur chez Renault à Boulogne-Billancourt. Il rejoint le Club Olympique de Billancourt et continue à s’entraîner intensivement, et ses efforts sont récompensés par une qualification pour les Jeux olympiques d'Amsterdam en 1928.
Le triomphe olympique à Amsterdam
Contre toute attente, El Ouafi remporte le marathon des Jeux olympiques de 1928 à Amsterdam. « Les analystes en sont certains, le marathon sera japonais, finlandais peut-être, mais certainement pas français », pensaient les experts.
Pourtant, le 5 août 1928, il déjoue tous les pronostics en s'imposant avec un temps de 2 h 32 min 57 s. Il devance de 26 secondes le Chilien Manuel Plaza et de plus de deux minutes le Finlandais Martti Marttelin.
Cette victoire fait de lui le premier athlète africain indigène à devenir champion olympique.
Retour à la réalité et chute dans l’oubli
Malgré ce succès, El Ouafi n’a pas pu poursuivre sa carrière sportive. Le mouvement olympique exigeait l'amateurisme, une condition que son niveau de vie ne permettait pas.
Tenté par le professionnalisme, il part courir aux États-Unis, ce qui lui valut l’exclusion du Comité national olympique français. Revenu à Paris, il tente de gérer un café, mais il est escroqué et a dû se reconvertir en peintre au pistolet chez Alstom.
La fin tragique d’un champion
La vie d’El Ouafi a pris une tournure tragique. En 1956, malade, il est présenté au président de la République, René Coty, par Alain Mimoun, un autre marathonien né en Algérie lors d’une réception organisée au Palais de l’Elysée à son honneur. Cette rencontre a permis de trouver à El Ouafi un emploi de gardien de stade en banlieue parisienne.
Malgré une tentative de retour à une vie décente grâce à une souscription lancée par le journal L'Équipe pour assurer une vieillesse décente à l'ancien marathonien, El Ouafi s’éteint le 18 octobre 1959 dans des circonstances troubles, en pleine guerre d'Algérie. Les versions divergent : certains disent qu'il est tué lors d'une attaque du FLN, d'autres parlent d’une querelle familiale.
Un héritage oublié mais reconnu
El Ouafi repose au cimetière musulman de Bobigny. Longtemps oublié, son parcours a été redécouvert et honoré par divers hommages : rues, gymnases, et même une série de timbres en Corée du Nord. Il reste un « symbole du sportif oublié par l'histoire », une figure inspirante dont la vie rappelle les défis souvent ignorés des athlètes de son époque.