Boualem Sansal, symbole d’un malentendu diplomatique ou instrument d’une campagne idéologique ?

Alors que la France médiatique s’enflamme autour de l’affaire Boualem Sansal, Alger maintient le cap : cette affaire relève strictement de sa souveraineté nationale. Analyse d’un dossier sensible où se mêlent justice, mémoire et politique.

Publié : 9 juillet 2025 à 9h05 par La rédaction

Boualem Sansal
Crédit : Boualem Sansal - Facebook

À l’occasion de la fête de l’indépendance du 5 juillet, plusieurs détenus ont bénéficié d’une mesure de grâce décrétée par le président Abdelmadjid Tebboune. Contrairement à ce qu’ont laissé entendre certains médias français, Boualem Sansal ne fait pas partie des personnes concernées. C’est ce qu’a précisé l’Agence de presse algérienne (APS), balayant les rumeurs et rectifiant les spéculations.

L’écrivain, qui reste poursuivi pour une affaire liée à l’unité nationale, a été jugé en Algérie pour un délit interne. Alger insiste : il ne s’agit ni d’un otage, ni d’un prisonnier d’opinion, mais d’un citoyen algérien, né sur le sol national, formé et employé par les institutions du pays. En résumé, les autorités algériennes affirment que l’affaire est strictement algéro-algérienne.

La France accusée de dérives néocoloniales 

Dans un contexte déjà tendu entre les deux rives de la Méditerranée, la couverture médiatique de cette affaire suscite de vives réactions à Alger. Selon l’APS, certaines tribunes relayées par les médias français, notamment ceux proches des réseaux Bolloré, entretiendraient une image faussée de l’Algérie. Derrière la défense de Boualem Sansal, la presse algérienne voit surtout une volonté de relancer une « campagne de haine et de désinformation » contre le pays.

Les mots sont forts. Le ton aussi. L’APS dénonce des éditorialistes et chroniqueurs « reconvertis en pyromanes », accusés d’instrumentaliser le cas l’écrivain franco-algérien pour raviver une forme d’algérophobie. Les références au passé colonial, à la guerre d’Algérie, ou encore aux réseaux de l’OAS, sont omniprésentes dans les discours critiqués.

Une justice algérienne dans son droit

Pour Alger, l’indignation exprimée en France relève d’une incompréhension profonde des principes de souveraineté. Juger Boualem Sansal, c’est appliquer la loi sur un territoire souverain, à l’égard d’un citoyen national. C’est aussi, pour les autorités, poser une limite claire : les questions touchant à l’unité nationale sont non négociables.

Face aux accusations, l’Algérie rappelle que des milliers de Français sont eux-mêmes détenus à travers le monde, sans pour autant faire l’objet de campagnes médiatiques ou diplomatiques d’une telle ampleur.

Une mémoire douloureuse toujours instrumentalisée ?

Ce que souligne surtout l’article de l’APS, c’est le retour inquiétant d’un discours nostalgique. En cause : des prises de parole virulentes, comme celle de l’écrivain Pascal Bruckner sur Figaro TV, qui aurait appelé à des actions hostiles envers des diplomates algériens. Des mots jugés inacceptables, d’autant plus qu’ils ravivent un passé douloureux de violences racistes et d’humiliations.

L’Algérie dénonce une tentative de relancer une guerre mémorielle, souvent utilisée comme écran de fumée. Pour Alger, ces discours masquent les véritables difficultés que traverse la société française : crise sociale, tensions identitaires, fragilité politique. Et dans cette tempête, l’image de l’« Algérie ennemie » devient un exutoire.

Une souveraineté assumée face aux pressions

L’article de l’APS conclut sans ambiguïté : « Boualem Sansal est une affaire algéro-algérienne. Les oukases parisiens n’y changeront rien. » Pour Alger, il n’est pas question de céder à la pression médiatique ou diplomatique. Le pays reste « debout, fidèle à ses principes et jaloux de sa souveraineté ».

Alors que certains réclament une intervention politique ou diplomatique, l’Algérie affirme que l’époque des injonctions unilatérales est révolue.