Accords franco-algériens de 1968 : l’Algérie appelle à ne pas politiser l’histoire !

Le ministre des Affaires étrangères algérien, Ahmed Attaf, a réagi au vote symbolique de l’Assemblée nationale visant à dénoncer les accords migratoires de 1968. Tout en exprimant sa « tristesse » face à une politisation de l’histoire, il rappelle que la question reste, pour l’instant, une affaire interne à la France.

Publié : 3 novembre 2025 à 12h18 par La Rédaction

Ahmed Attaf
Ahmed Attaf
Crédit : MFA-Algérie - X

Une réaction mesurée ! Dans un entretien accordé à la chaîne algérienne AL24 News, Ahmed Attaf a tenu à clarifier la position de l’Algérie après l’adoption, par un écart d’une voix, d’une résolution du Rassemblement National appelant à remettre en cause l’accord franco-algérien de 1968 sur la circulation et le séjour des ressortissants algériens.

Pour le chef de la diplomatie algérienne, ce vote ne relève pas encore du cadre des relations bilatérales. « C’est une affaire intérieure qui ne nous concerne pas pour le moment », a-t-il précisé, en rappelant que seule une démarche officielle du gouvernement français pourrait entraîner une réaction d’Alger.

Il a également exprimé un regret. « Très sincèrement, j’ai beaucoup de respect pour l’Assemblée nationale française, mais lorsque j’ai vu ce vote, la première pensée qui m’est venue à l’esprit : c’est la course à l’échalote qui se poursuit », a-t-il confié.

Et de souligner sa déception : « C’est attristant de voir un grand pays comme la France faire de l’histoire d’un autre pays — indépendant et souverain — l’objet d’une compétition électorale anticipée ».

Un accord ancien souvent mal interprété 

Les accords de 1968 sont régulièrement présentés en France comme un régime particulièrement favorable aux Algériens. Une idée que le ministre dément fermement. Selon lui, ce texte a en réalité introduit des règles plus strictes que celles fixées par les accords d’Évian, qui, dans les premières années de l’indépendance, garantissaient une liberté de circulation très large.

« Les médias français, et même une partie de la classe politique, ont une perception très biaisée et orientée de l’accord de 1968. (…) Contrairement à ce que certains prétendent, cet accord n’a jamais été un texte libéral destiné à favoriser l’immigration. Bien au contraire », a-t-il expliqué.

Ahmed Attaf insiste : il s’agit d’un accord restrictif dans sa conception, loin des caricatures relayées dans le débat français actuel.

Des chiffres contestés et un débat instrumentalisé 

Le ministre a également dénoncé l’usage de données exagérées dans l’espace public. Il s’est notamment étonné d’entendre que ces accords coûteraient à la France « deux milliards d’euros par an ». « Ce sont des chiffres fantaisistes », a-t-il tranché, estimant qu’ils relèvent davantage de discours politiques que de réalités documentées.

Ce vote intervient dans un contexte politique chargé en France. Bien qu’il n’ait aucune portée juridique, il a été adopté grâce au soutien de certains députés de la droite classique. Le gouvernement, de son côté, a tenu à rappeler les règles constitutionnelles : « La politique étrangère de la France n’est pas faite par des résolutions au Parlement », a déclaré le Premier ministre, rappelant que la signature et la rupture des traités relèvent de l’exécutif et du président de la République.

Vers un changement de ton sur le dossier migratoire ?

Ce débat intervient dans un contexte où Paris redéfinit sa relation avec Alger sur les questions migratoires. Dans une interview au Parisien, le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a défendu une approche plus pragmatique que celle de son prédécesseur. Il a estimé que les stratégies d’affrontement n’avaient pas permis d’obtenir les résultats souhaités : il a reconnu que les expulsions forcées vers l’Algérie avaient nettement diminué par rapport à l’année précédente.

Il affirme vouloir « aller vers une coopération apaisée, mais exigeante », jugeant indispensable de maintenir un dialogue opérationnel avec Alger, notamment sur les questions de sécurité et de circulation des personnes. Selon lui, « ceux qui pensent qu’on peut se passer de relation sécuritaire avec ce pays nous mettent en danger ».

Cette prise de position laisse entendre une volonté de reprendre les échanges diplomatiques, alors que les discussions entre les deux pays avaient ralenti ces derniers mois.

Une question qui pourrait évoluer ? 

Pour l’heure, Alger affirme n’avoir reçu aucune communication officielle de Paris. « Nous n’avons rien vu venir et nous espérons ne rien voir venir », a résumé le ministre.

Si l’exécutif décidait toutefois d’ouvrir la voie à une renégociation ou à une dénonciation de l’accord, le dossier changerait alors de nature. L’Algérie affirme alors qu’elle se positionnerait dans un cadre strictement diplomatique, entre États.

En parallèle, d’autres responsables  appellent à « une coopération apaisée » avec Alger, tout en reconnaissant que les tensions récentes ont fragilisé le dialogue bilatéral, notamment dans le domaine migratoire.