« À Gaza, on vit avec la peur minute après minute »

Invité de la Matinale de Beur FM ce jeudi 2 octobre depuis Gaza, Riyad, humanitaire du Secours islamique France (SIF), a décrit des conditions de vie extrêmes. Accès entravé, faim, hôpitaux à bout de souffle. Il raconte un quotidien « sous menace » et appelle à ne pas détourner le regard.

Publié : 2 octobre 2025 à 17h56 par La Rédaction

SIF GAZA
Crédit : SIF - Site officiel

La ligne grésille. La voix tient bon. À Gaza, Riyad  parle simple. Il est arrivé au centre de Gaza il y a dix jours. Il dit la fatigue et l’urgence. Et cette peur tenace qui colle à la peau. « Exactement, c’est ça. Je suis arrivé au centre il y a dix jours », confirme-t-il d’emblée. Puis il déroule, sans effets. Juste des faits. Et des vies.

À Gaza, le quotidien d’un humanitaire

Riyad est formel : les humanitaires ne sont pas à part. « Exactement, parce qu’on est une partie du peuple. Tous les peuples gazaouis, ici, vivent dans les mêmes conditions. » Les opérations sont semées d’obstacles. Couloirs restrictifs, zones rouges, contrôles à répétition. Les équipes doivent justifier chaque déplacement, parfois renoncer.

La peur est constante. « C’est normal de vivre la peur, d’être toujours menacé, d’être mort ou bombardé dans chaque minute », dit-il. Il évoque des collègues tués, des convois frappés, des missions stoppées. Malgré tout, les équipes « essaient de faire le maximum d’efforts pour arriver au maximum de gens ».

Famine et privations

Sur la nourriture, le constat est abrupt. Il parle d’une pénurie qui s’aggrave et d’enfants fragilisés. Il cite des chiffres alarmants, attribués au terrain : « 455 morts à cause de la famine… et parmi eux il y a 151 enfants … Il y a aussi 17 000 enfants qui souffrent de malnutrition. » Le lait manque, tout comme les produits de base. Les distributions restent trop maigres pour couvrir les besoins. La faim gagne du terrain.

Hôpitaux débordés, système exsangue

Les images vues dans les services médicaux le hantent. « Le système médical à Gaza est totalement oublié, c’est totalement détruit. » Les rares hôpitaux encore ouverts ne suffisent plus. Il décrit des manques massifs de médicaments, de matériel, d’énergie. Des blessés au sol, des familles qui attendent, des corps parfois sans sépulture digne. « Dans l’hôpital, vraiment, c’est, à mon avis, la plus grande catastrophe », insiste-t-il.

Ce que fait le SIF, malgré tout

Le Secours islamique France maintient l’urgence malgré des accès restreints. Distributions alimentaires, kits d’hygiène, appui aux déplacés : l’action s’appuie sur des relais locaux faute de corridors sûrs aux frontières et près des zones de combat. Les équipes doivent justifier chaque mouvement et contourner des zones rouges où l’activité militaire bloque toute progression. L’ONG dit parrainer plus de 6 000 orphelins à Gaza et prépare de nouvelles réponses d’urgence « dans les prochaines semaines », dès que des fenêtres d’accès s’ouvrent. Objectif : atteindre le plus grand nombre, malgré les coupures, les contrôles et des missions parfois interrompues au dernier moment.

Politique et réalité du terrain

La reconnaissance de l’État palestinien par la France ? L’hypothèse d’une paix rapide évoquée ailleurs ? il salue l’intention, mais rappelle la priorité : sauver des vies. « C’est un symbole de force sur la scène internationale, mais sur le terrain, les gens continuent de se battre pour survivre. » Il appelle à des mesures concrètes, des pressions diplomatiques effectives pour ouvrir l’accès à l’eau, à la nourriture, aux soins.

La flottille, espoir contrarié

L’interception de la Global Sumud Flotilla résonne à Gaza. « Il y a un véritable espoir autour de cette flotte, surtout parce qu’elle représente beaucoup de gens ici. Nous sommes un symbole d’espoir et de solidarité internationale dans nos âmes », confie-t-il. Mais l’espoir se heurte aux barrages : les bateaux humanitaires sont « souvent interceptés et attaqués avant même d’atteindre les côtes ». L’élan moral demeure, mais l’accès réel à l’aide reste bloqué.

 « Ne détournez pas le regard »

Au moment de conclure, la voix se serre. L’appel est direct. « Je vous demande de ne pas détourner le regard. N’oubliez pas. Ici, des enfants meurent dans les bras de leurs parents. » Il répète la nécessité des soins, de l’aide, de la solidarité. Et ajoute : « Si vous voulez nous aider, nous n’allons pas arrêter. Nous n’allons pas abandonner. »