17 octobre 1961 : la France commémore un massacre longtemps occulté !
Le 17 octobre 1961 reste l’une des pages les plus sombres de l’histoire contemporaine française : ce jour-là, en pleine guerre d’Algérie, une manifestation pacifique d’Algériens à Paris fut réprimée dans le sang par la police. Soixante-quatre ans plus tard, des cérémonies et hommages à travers la France honorent la mémoire des victimes de ce massacre longtemps passé sous silence, rappelant l’importance de transmettre cette histoire.
Publié : 16 octobre 2025 à 19h04 par La Rédaction
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Le crépuscule d’octobre tombe sur la Seine lorsque retentit l’écho d’un drame trop longtemps refoulé. En 17 octobre 1961, alors que la guerre d’indépendance algérienne touche à sa fin, des dizaines de milliers d’Algériens de France descendent dans les rues de Paris pour protester pacifiquement contre un couvre-feu discriminatoire qui leur est imposé.
Sur ordre du préfet de police Maurice Papon, les forces de l’ordre vont réprimer la manifestation avec une brutalité inouïe. Ce soir-là, plus de 12 000 manifestants sont arrêtés, beaucoup sont battus ou blessés, et des dizaines trouvèrent la mort – certains corps étant même jetés dans la Seine. Le bilan exact demeure incertain : les historiens estiment qu’au moins 120 personnes ont été tuées et certaines recherches suggèrent que le nombre de victimes pourrait atteindre plus de 200, voire 300. En Europe, aucune manifestation n’avait été traitée aussi violemment par un État depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Un massacre colonial longtemps nié
À l’époque, les autorités françaises minimisent ou occultent la tragédie. Le bilan officiel avancé en 1961 fait d’abord état de seulement 3 morts – un chiffre dérisoire et démenti par les témoignages et rapports ultérieurs.
Pendant des décennies, le massacre du 17 octobre 1961 demeure un sujet tabou. Aucune enquête publique n’est menée et l’événement disparaît quasiment des manuels d’histoire. Cette tragédie demeure trop souvent occulté et trop rarement enseigné, déplore-t-on aujourd’hui à la Ligue des droits de l’Homme. Il faudra attendre les années 1980-1990 pour que la parole se libère peu à peu : des historiens (Jean-Luc Einaudi, Jim House, etc.), des journalistes et des militants antifascistes exhument les faits et interpellent l’opinion sur cette nuit de violence.
En 1998, lors du procès de Maurice Papon (pour ses crimes sous Vichy), le massacre de 1961 s’invite dans le débat : l’État français, pour la première fois, reconnaît devant la justice qu’« un massacre » a bien eu lieu à Paris le 17 octobre 1961
Trente ans après les faits, en 1991, une première commémoration officielle est organisée par des jeunes issus de l’immigration algérienne, alors appelés Beurs, marquant le début d’un travail de mémoire.
En 2001, la Ville de Paris inaugure enfin une plaque commémorative au pont Saint-Michel, non loin de la préfecture de police, avec cette inscription : « À la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 ». Ce geste mémoriel – quarante ans après les faits – reste prudent : la formulation choisie ne mentionne ni les auteurs de la répression ni la responsabilité de l’État, ce que regrettent certains acteurs de la mémoire.
Néanmoins, l’initiative parisienne ouvre la voie à une reconnaissance plus large. D’autres municipalités posent des plaques ou baptisent des lieux du nom du 17 Octobre 1961, tandis que des films, livres et témoignages contribuent à faire connaître cette tragédie en France comme en Algérie.
De l’ombre à la reconnaissance officielle
Il faudra un demi-siècle pour qu’un Président de la République évoque clairement ce 17 octobre. En 2012, à l’occasion du 51e anniversaire, le président François Hollande reconnaît « la sanglante répression » et rend hommage aux victimes, au nom de la République. S’il ne prononce pas le mot massacre, cette déclaration marque une rupture après des décennies de silence officiel.
Neuf ans plus tard, en 2021, le président Emmanuel Macron franchit un pas supplémentaire lors du 60e anniversaire : il assiste à une cérémonie sur les bords de Seine et dénonce un « crime impardonnable pour la République ». Ce jour-là, pour la première fois, un chef d’État participe à une commémoration du 17 Octobre. Emmanuel Macron reconnaît que « les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables », tout en évitant une véritable excuse officielle ou une demande de pardon, ce que nombre de militants jugeaient encore insuffisant. Dans la foulée, l’État a initié une ouverture accrue des archives de la guerre d’Algérie, afin de permettre aux historiens de faire toute la lumière sur ces événements
Plus récemment, la tendance à la reconnaissance s’est confirmée sur le plan législatif. Le 28 mars 2024, l’Assemblée nationale a adopté une résolution historique qui condamne la répression du 17 octobre 1961 et demande au gouvernement d’inscrire une journée nationale de commémoration à l’agenda officiel.
Porté par des députés des Hauts-de-Seine (Sabrina Sebaihi, ÉELV, et Julie Delpech, Renaissance), ce texte qualifie explicitement le 17 Octobre 1961 de massacre commis sous l’autorité du préfet Papon et de crime d’État. Adoptée à la quasi-unanimité (à l’exception de quelques oppositions émanant de l’extrême droite), la résolution constitue un pas symbolique fort. Elle répond en partie aux revendications de longue date des associations mémorielles, qui réclament la reconnaissance du massacre en tant que crime d’État, l’ouverture totale des archives et l’enseignement de cet épisode dans les programmes scolaires.
Désormais, la balle est dans le camp du gouvernement : à ce jour aucune « journée nationale » spécifique n’a encore été instaurée, mais la pression mémorielle et le contexte de réchauffement des relations franco-algériennes poussent vers davantage de gestes concrets. Alger et Paris ont d’ailleurs mis en place une commission conjointe d’historiens pour travailler sur toutes les mémoires de la colonisation, signe que le dossier reste sensible dans le dialogue bilatéral.
Hommages et événements en 2025
En attendant une éventuelle commémoration officielle d’État, la société civile, les associations et de nombreuses collectivités locales organisent des hommages chaque année autour du 17 octobre. Pour ce 64e anniversaire, 2025 ne fait pas exception : des événements commémoratifs sont prévus dans tout le pays, mêlant recueils de mémoire, expositions historiques et appels à la vigilance contre le racisme. À Paris, un rassemblement est annoncé le vendredi 17 octobre en soirée sur le pont Saint-Michel, lieu hautement symbolique où est apposée la plaque rappelant la tragédie
À l’endroit même où des manifestants furent précipités dans le fleuve en 1961, des gerbes de fleurs seront déposées et une minute de silence observée en hommage aux victimes.
En banlieue parisienne, plusieurs communes participent au souvenir : par exemple Nanterre (Hauts-de-Seine) organisera à 18 h un hommage devant la stèle du 17 Octobre 1961 sur la place des Droits de l’Homme, tandis qu’à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) un rassemblement est prévu à la même heure devant la plaque commémorative avant le vernissage d’une exposition historique en mairie intitulée « Mémoire vive, 17 octobre 1961 ». Cette exposition, conçue avec le concours d’historiens, retrace le contexte de l’époque, l’occultation de la tragédie puis la lente résurgence de cette mémoire dans l’espace public, afin de « comprendre, se souvenir et transmettre »
D’autres villes d’Île-de-France, comme Gennevilliers ou Bonneuil-sur-Marne, organisent également des cérémonies locales le 17 octobre en fin de journée
En région, la mémoire du 17 Octobre est tout aussi vivace. À Lille, une cérémonie officielle se tient à 18 h sur le parvis des Droits de l’Homme, Place de la République, à l’initiative de la municipalité. La Ville de Lille invite les habitants à venir honorer la mémoire des Algériens tués en 1961, preuve que cet épisode parisien résonne bien au-delà de la capitale.
À Marseille, où vit une importante communauté franco-algérienne, un rassemblement commémoratif est prévu en centre-ville dans la soirée du 17 octobre (plusieurs collectifs appellent à se réunir vers 18 h) afin de rendre hommage aux victimes et de réaffirmer la lutte contre le racisme et les violences policières, toujours d’actualité selon les organisateurs.
Dans la région lyonnaise, un hommage est également programmé : par exemple la ville de Givors (métropole de Lyon) organise le 17 octobre à 17 h 30 une cérémonie au Square du 17 octobre 1961, diffusée en direct sur les réseaux sociaux locaux. À Lyon même, une marche du souvenir est annoncée le week-end suivant sur le pont de la Guillotière, autre lieu symbolique où les participants sont conviés à jeter des fleurs dans le Rhône en mémoire des disparus.
Partout en France, de Strasbourg à Toulouse, de Grenoble à Rouen, des conseils municipaux, associations d’anciens combattants, collectifs antiracistes ou citoyens anonymes se mobilisent pour que le souvenir du 17 octobre 1961 ne s’éteigne pas.
Un hommage commun pour une mémoire partagée
Cette commémoration 2025 s’inscrit également dans une nouvelle dynamique franco-algérienne. À l’Assemblée nationale, une cérémonie officielle réunira ce 17 octobre des personnalités françaises et algériennes, dont les députés Fathia Keloua Hachi et Carlos Bilongo, aux côtés de représentants institutionnels et associatifs.
Organisé par le Haut Conseil des Algériens de France, cet événement souhaite réaffirmer la volonté des deux pays de poursuivre un travail de mémoire commun, fondé sur la vérité historique et le respect mutuel. Le message porté cette année se veut rassembleur : « faire de la mémoire une passerelle, et non une frontière ». Une orientation qui entend consolider les liens entre la France et l’Algérie à travers la culture, l’éducation et la jeunesse, dans un esprit d’amitié et de paix durable
Une mémoire vivante et vigilante
« Ni oubli ni pardon », clament depuis des années les proches des victimes et militants de la mémoire. Soixante-quatre ans après, le chemin a été long de l’oubli vers la reconnaissance. Désormais, la date du 17 octobre 1961 s’impose peu à peu dans la conscience nationale comme le symbole des dérives de la violence à l’époque coloniale, mais aussi comme un appel à la vigilance contre toutes les formes de racisme et de brutalité policière actuelles.
En commémorant ce drame, la France d’aujourd’hui honore les morts d’hier et rappelle l’exigence de vérité historique, condition essentielle pour construire une mémoire apaisée entre la France et l’Algérie. « Ce massacre d’État doit être pleinement reconnu », martèlent les associations : pour elles, se souvenir du 17 Octobre, c’est aussi éclairer le présent à la lumière du passé.
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