17 octobre 1961 : histoire et mémoire d’une nuit d’horreur !

17 octobre 2023 à 12h22 par La rédaction

Soixante-deux ans se sont écoulés depuis cette nuit funeste du 17 octobre 1961. Une nuit qui a gravé dans l'histoire le visage d’une sanglante répression policière après une manifestation, appelée par la Fédération de France du Front de Libération Nationale, pour briser les chaînes d'un couvre-feu qui pesait injustement sur « les seuls Français musulmans d'Algérie. »

17 octobre 1961

Dans l'ombre des conflits de la guerre d'Algérie, la tension montait entre la police parisienne, sous la direction de Maurice Papon, et le FLN. Un couvre-feu discriminatoire, tel un glaive, s'abattit sur les épaules de ces Français d'origine algérienne.

En réponse, la Fédération de France du Front de Libération National invite le peuple à marcher, à se faire entendre dans les rues de la capitale. Ils le firent, non pas dans la fureur des armes, mais dans l'éclat pacifique de leurs voix unies.

La mémoire d’une nuit de violence 

Au crépuscule, entre vingt et quarante mille Algériens envahissent les rues de la capitale. Malheureusement, la manifestation vire rapidement au drame.

Des informations mensongères semaient la confusion, prétendant plusieurs pertes et blessés du côté des forces de l'ordre. La réaction de la police fut brutale et implacable ; des manifestants ont été passés à tabac, et sont tombés sous les coups dans les rues, ou bien sont jetés dans les eaux sombres de la Seine. D'autres encore, sont fauchés par des balles meurtrières.

Lors de cette nuit lugubre, au moins 12 000 Algériens furent appréhendés. 

Une vérité tardive sur une nuit de sang à Paris

La préfecture de Paris s'emploie aussitôt à voiler l'horreur, la qualifiant de simple affrontement entre manifestants algériens. Le préfet de Paris, Maurice Papon, reconnaît qu’il y avait seulement trois victimes, et accuse les manifestants algériens d’avoir été violents envers les forces de l’ordre et donc d’être responsables de la répression.

La violence policière et la répression d’une manifestation pacifique de la part de l’État ont été longtemps niées par le pouvoir politique en place.

L’historien Gilles Manceron a affirmé : « Il me semble tout d’abord qu’il y a une volonté de faire silence de la part des autorités françaises. En premier lieu, les autorités impliquées dans l’organisation de cette répression : le préfet de police, Maurice Papon, le premier ministre, Michel Débré, ainsi que Roger Frey, ministre de l’intérieur. Mais également le général de Gaulle, qui de toute évidence a pourtant été très irrité par cet épisode. Il a néanmoins voulu tirer le rideau sur cette affaire et fait en sorte que les Français passent à autre chose. »

Ce n’est qu’à partir des années 1980 que les historiens se penchent de nouveau sur les événements pour arriver aux nouveaux bilans relatifs au nombre de victimes. Selon les rapports officiels, celui-ci s’élève de 38 à 48, alors que selon d’autres estimations, il peut se situer plutôt entre 100 et 200, sans compter des centaines de personnes disparues ou blessées.

 

Quand mémoire et l’histoire se retrouvent

Les langues ont commencé à se délier dans les années 1980. Elles étaient portées par les descendants des Algériens vivant en France, devenant ainsi les témoins indélébiles de ce sinistre massacre.

Ce n'est qu'en 1991 que l’historien Jean-Luc Einaudi révèle au monde entier les secrets de cette nuit meurtrière du 17 octobre 1961, grâce à la publication de son œuvre « La bataille de Paris, 17 octobre 1961 », paru aux Editions du Seuil, dans lequel il lève le voile sur cette répression meurtrière, permettant ainsi une meilleure compréhension de cette période trouble de l'histoire franco-algérienne.

Néanmoins, pendant le quinquennat du président socialiste François Hollande, l’État français a officiellement reconnu sa part de responsabilité, en réhabilitant ainsi la mémoire des centaines de manifestants pacifiques de la nuit du 17 octobre 1961.

L’ancien président de la République, François Hollande a déclaré lors du 51e anniversaire de l’événement : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La république reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un an après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes ».

Le 16 octobre de l'année 2021, un nouvel éclat illumine cette quête de reconnaissance. Le président de la République, Emmanuel Macron, se rend au pont de Bezons, vestige chargé de symboles de cette tragédie.

Au nom de la République, il observe une minute de silence, et dépose une gerbe de fleurs, en hommage aux milliers de victimes de cette répression violente et sanglante du 17 octobre 1961. Puis, le lendemain, pour la première fois de l’histoire, un préfet de police de Paris dépose une gerbe en mémoire des âmes tuées sur le Pont Saint-Michel, transcendant ainsi le temps pour rendre hommage à ceux qui furent trop longtemps oubliés.

Cérémonie commémorative à Paris ce mardi 17 octobre

Comme chaque année, la Ville de Paris organise une cérémonie commémorative, un hommage vibrant rendu à la mémoire à toutes les personnes tuées dans cette répression sanglante du 17 octobre 1961.

C'est en leur honneur, que messieurs Emmanuel Grégoire, le Premier adjoint de la Maire de Paris, et Ariel Weil, Maire du Centre de la Paris, accompagnés du représentant distingué de l'ambassade d'Algérie, déposeront une gerbe de fleurs devant la plaque commémorative, une stèle en hommage dédié à préserver le précieux héritage de ces infortunés.

L'instant de cette commémoration est prévu le mardi 17 octobre 2023, à 9 heures et 15 minutes précisément, à l'angle formé par le pont Saint-Michel et le quai du Marché-Neuf, dans le 4ème arrondissement.