La nuit qui a changé le destin d’un peuple !

Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, le Front de libération nationale lance une série d’attaques coordonnées à travers l’Algérie. Ce moment marque le début de la guerre d’indépendance, qui deviendra pour les Algériens la « guerre de libération ».

Publié : 1er novembre 2025 à 12h25 par La Rédaction

Indépendance Algérie
Indépendance Algérie
Crédit : Indépendance Algérie

À cette époque, l’Algérie vit sous un régime colonial qui ne laisse aucune place à l’égalité. Depuis 1830, la population est soumise à des lois discriminatoires, privées de droits politiques réels et marginalisée dans son propre pays. Le traumatisme des massacres de mai 1945, lorsque des milliers d’Algériens furent tués lors des répressions de Sétif et Guelma, reste présent dans toutes les mémoires. Pour beaucoup, cette tragédie a marqué la fin des espoirs de réformes pacifiques. C’est dans ce climat d’injustice durable que le FLN s’organise et prépare la lutte armée.

Acteurs du soulèvement

Le FLN est formé à l’été 1954 par une scission du Mouvement national algérien (PPA/MTLD). Il est officiellement lancé par six chefs historiques dont les noms passent à la postérité : Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Mourad Didouche, Mohamed Boudiaf, Krim Belkacem et Larbi Ben M’Hidi. Ces jeunes cadres expérimentés dans les luttes (Organisation spéciale, Comité révolutionnaire d’unité et d’action) considèrent que le temps de la parole est révolu. Leur détermination est résumée par Mohammed Boudiaf, l’un des dirigeants : « La révolution se fera. Avec ou sans vous… La révolution se fera même avec les singes de la Chiffa ». Cet impératif révolutionnaire balaie les divisions partisanes : le FLN revendique l’unité de tous les patriotes algériens, au-delà des clans. Son discours s’adresse autant aux masses paysannes et ouvrières qu’aux intellectuels des villes, affirmant l’indépendance nationale comme seul horizon possible.

Le déclenchement du 1er novembre 1954

Aux premières heures du 1er novembre 1954, dans le silence de la Toussaint religieuse, le FLN engage son insurrection. En l’espace de quelques heures, 70 attaques simultanés secouent l’Algérie. Des postes militaires et de police sont pris d’assaut ou mitraillés du Constantinois aux Aurès, de la Kabylie à Alger. La caserne de Batna est attaquée, des barrages routiers sont détruits… Ces opérations coordonnées, associées à la diffusion d’un manifeste politique, confirment qu’il ne s’agit pas d’une révolte isolée mais d’une insurrection organisée. Les autorités françaises prendront tardivement conscience de l’ampleur : les historiens parleront du « Toussaint rouge » pour qualifier la nuit sanglante du 1er novembre 1954.

Objectifs proclamés du FLN

La « Proclamation du 1er novembre » du FLN explicite clairement ses buts. Son unique « but» est « l’indépendance nationale par la restauration de l’État algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques ». En un mot, le FLN revendique le droit pour le peuple algérien de disposer de lui-même. Le document assure par ailleurs le respect de toutes les libertés (de conscience, d’opinion, etc.) et préconise la mobilisation de tous « par tous les moyens » jusqu’à réalisation de ce but. Ces objectifs inacceptables pour le gouvernement français d’alors, font du conflit annoncé une lutte totale pour l’émancipation du pays.

Réponses françaises et réaction internatinale

La réplique française est immédiate et dure. Au sommet de l’État, le mot d’ordre est clairement affirmé : le ministre de l’Intérieur François Mitterrand proclame dès le 5 novembre 1954 : « L’Algérie, c’est la France » et promet que « la présence française sera maintenue dans ce pays ». 

Le gouvernement Pierre Mendès France ordonne le déploiement massif de troupes en Algérie. Dès le mois de décembre, 100 000 soldats français occupent la région des Aurès, rapidement renforcés pour atteindre plus de 400 000 militaires sur l’ensemble du territoire.

Sur le plan policier et judiciaire, l’État français prend des mesures d’exception : la veille même du soulèvement, le MTLD (parti nationaliste modéré dirigé par Messali Hadj) est interdit (décret du 5 novembre) et ses dirigeants sont arrêtés (nombre d’entre eux emprisonnés dès décembre). Parallèlement, les premières rafles et couvre-feux instaurent un climat de guerre sans précédent.

Sur le plan diplomatique, l’insurrection algérienne ne reste pas confinée au Maghreb. En 1955 déjà, la lutte contre le colonialisme français bénéficie d’un écho international croissant. Les insurgés sont admis comme observateurs à la conférence afro-asiatique de Bandung (18 avril 1955). La même année, l’Assemblée générale de l’ONU inscrit la question algérienne à son ordre du jour. Ces évolutions témoignent du caractère désormais politique et mondial du conflit : l’Algérie cesse d’être un simple fait intérieur français.

Portée symbolique de la Toussaint rouge

Le 1er novembre 1954 prend rapidement une valeur symbolique majeure. Cette date est célébrée par la suite comme le point de départ d’une libération nationale. Dans la conscience algérienne, elle marque la révolte collective contre l’injustice coloniale et le rêve d’une patrie retrouvée.

Déclarations officielles récentes 

Les commémorations contemporaines du 1er novembre donnent lieu à des déclarations des chefs d’État français et algérien. En Algérie, le président Abdelmadjid Tebboune a souligné que « le 1er novembre, nous commémorons ensemble l’anniversaire du déclenchement, par le peuple algérien, de la glorieuse et éternelle Révolution de libération » Il a rappelé la « fidélité aux sacrifices de nos martyrs » comme un guide pour la nation et appelé les jeunes Algériens à poursuivre l’édification du pays sur les pas des héros de l’indépendance.

En France, le président Emmanuel Macron a rappelé lors de la commémoration du 1er novembre 2024 que « ce 1er novembre marque le 70e anniversaire de l’insurrection du 1er novembre 1954 » ayant ouvert la guerre d’Algérie et aboutit à son indépendance. Il y reconnaît la nécessité de poursuivre le travail de vérité historique et de mémoire apaisée avec l’Algérie, dans la continuité de la « Déclaration commune d’Alger » de 2017. Ces positions officielles illustrent l’attention portée à cette date des deux côtés de la Méditerranée.

Héritage et mémoire

Plus de soixante-dix ans après, le 1er novembre 1954 reste un jalon de la mémoire franco-algérienne. En Algérie indépendante, cette date est commémorée par des cérémonies officielles et considérée comme le symbole de la « révolution du FLN ». 

En France, la reconnaissance du conflit a longtemps été repoussée, mais elle se traduit aujourd’hui par des débats sur la mémoire coloniale et la scolarisation de l’histoire. Le legs de 1954 est complexe : il conduit à l’indépendance en 1962, mais s’est accompli dans la violence de tous côtés. Transmettre ce passé à la nouvelle génération demeure un enjeu de réconciliation historique.